Le taux effectif global (TEG) doit-il être mentionné pour les émissions obligataires ?
Risques : la remise en cause de l’intérêt conventionnel pour lui substituer l’intérêt légal.
Réponse : non car (selon nous) un emprunt obligataire ne peut être assimilé à un “écrit constatant un contrat de prêt” (c’est-à-dire un “prêt conventionnel”) au sens du code de la consommation.
Explications : La réglementation sur le taux effectif global (TEG) est issue de l’article 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité en ces termes : '“Le taux effectif global déterminé comme il est dit ci-dessus doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente loi”. Il permettait principalement de calculer le taux usuraire (article 1er de la loi) alors qu’aujourd’hui il sert essentiellement à comparer les offres de prêt. Or, le taux usuraire visé est celui stipulé dans les “prêts conventionnels”. Cette disposition sera intégrée dans le code de la consommation par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation à l’article L. 313-2 (les termes “un contrat de prêt régi par la présente loi” étant remplacé par les termes “un contrat de prêt régi par la présente section”) puis, par suite de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, à l’article L. 314-5 du code de la consommation.
Un arrêt récent de la cour d’appel de Paris a considéré que “toutes les dispositions relatives au taux effectif global sont prévues dans le cadre contractuel d'un prêt, quel que soit sa nature” et que “la caractéristique fondamentale d'un prêt ou d'un crédit est le délai qui existe entre l'avance de fonds consentie par une partie et la restitution opérée par l'autre partie” (cour d’appel de Paris, pôle 5, chambre 6, 19 janvier 2018, n° 16/07249).
Une émission obligataire est-elle un prêt au sens de la réglementation sur le TEG ? Un article intéressant de 2002 sur l’application des règles de l’usure aux prêts obligataires, de notre confrère Delphine Caramalli, nous informe que la “Banque de France […] soutient de manière informelle que l'emprunt obligataire ne rentre pas dans la catégorie des prêts conventionnels tels que définis par la loi sur l'usure”. Une réponse du ministre de l’économie et des finances de 2003 indique que “Le taux de l'usure ne s'étend pas aux émissions de titres de créance”. Un des arguments avancé par le ministre est que le dispositif sur le taux de l’usure “a pour objet de protéger l'emprunteur. Or, en matière d'émission de titres de créance, l'emprunteur, émetteur des titres, détermine lui-même le taux et les modalités de l'émission”. Quelques mois plus tard, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a, dans son article 32, inséré un alinéa, toujours en vigueur, qui exclut les dispositions du taux usuraire “aux prêts accordés à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale”.
Le même raisonnement peut être étendu, selon nous, à la réglementation sur le taux effectif global (TEG). Cette réglementation a en effet pour objet de protéger l’emprunteur, non plus il est vrai pour déterminer le taux de l’usure qui n’est plus applicable aux sociétés commerciales (principales entités qui nous intéressent ici), mais pour pouvoir comparer de manière loyale les offres de prêts. Or, une émission obligataire est une émission décidée par l’emprunteur qui fixe (normalement) lui-même toutes les conditions du “crédit”.
Nous n’avons pas connaissance, à ce jour, d’une décision de justice qui se serait prononcée sur cette question.
Avocat au barreau de Paris