Comment calculer les délais à rebours d'une formalIté (avant le, au plus tard le) ou quelles sont les règles applicables ?
Question : quelles sont les règles applicables au calcul des délais dit “à rebours” c’est-à-dire calculés à partir d’un événement futur (comme par exemple le délai de convocation d’une assemblée d’associés) ?
Réponse : il faut partir du jour de l’événement futur (qui ne compte pas, donc partir de la veille de l’événement) puis calculer le délai prévu par la loi ou la réglementation et ajouter un jour qui sera le dernier jour à partir duquel le délai court. Pour les notifications ordinaires (c’est-à-dire par lettre), la date de l’expédition est celle qui compte et non la date de réception.
Explications : les textes législatifs et réglementaires prévoient de nombreux cas de délai “à rebours” c’est-à-dire un délai qui démarre à partir d’un événement futur. Ils sont facilement identifiables par les termes “avant le” ou “au plus tard”. Prenons le cas des assemblées de sociétés à responsabilité limitées. Les associés doivent être convoqués, conformément à l’article R. 223-20 du code de commerce, “quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée”. Prenons le cas d’une assignation devant le tribunal de commerce qui doit être “remise […] au plus tard huit jours avant la date de l'audience” conformément à l’article 857 du code de procédure civile.
Or, pour les délais à rebours, les règles diffèrent par rapport aux délais qui démarrrent à compter d’un événement (“à compter du”). Ainsi, par exemple, le fameux article 642 du code de procédure civile, qui prévoit que “Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant” ne s’applique pas à un délai à rebours (Cour de cassation, 14 février 1990, n° 88-19.900).
Exemple : si un événement a lieu le lundi 16 juin et que la formalité doit être faite au p’us tard le 30 mai et que le 31 mai est un dimanche, par exemple si la formalité est faite le lundi 1er juin, le délai n’a pas été respecté. Comme le dit un auteur, dans un délai à rebours, le calcul se fait “à partir d'un point d'arrivée d'ores et déjà déterminé” (Roger Perrot, RTD Civ. 1990 p.557) qui est donc intangible. Il faut donc “continuer à remonter le temps” (Géraldine Maugain, Actes de procédure, délais légaux, Répertoire de procédure, Dalloz). Dans notre exemple, la formalité doit être faite au plus tard le jour ouvré précédent (le vendredi 29 mai). Mais comme les règles de l’article 642 ne sont pas applicables, si la formalité peut matériellement être faite un samedi (30 mai dans notre exemple) ou un dimanche (31 mai dans notre exemple) alors elle est valablement faite (par exemple une formalité qui devrait être notifiée par lettre recommandée avec AR et un bureau de poste qui serait ouvert le samedi).
En revanche, les règles de l’article 641 du code de procédure civile s’applique normalement, à savoir que “Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas”. Il convient donc de partir de l’événement (dans notre exemple la date de l’assemblée ou de l’audience), de retrancher un jour à partir duquel le délai démarre à 24h00 heures (soit la veille). C’est ce que rappelle un arrêt de la cour d’appel de Rouen du 29 juin 2020 (n° RG 19/02573) : “Pour le calcul du délai à rebours, il faut exclure le jour de l'événement, c'est à dire le jour de l'audience, et compter le nombre de jours à partir de la veille de l'événement, et c'est le jour suivant le dernier jour du délai calculé à rebours qui constitue le dernier jour dans lequel la diligence peut être accomplie utilement, les règles de droit commun fixées aux articles 640 et suivants du code de procédure civile sont prévues pour les délais dans lesquels un acte doit être accompli dans le futur, et non pour des délais qui remontent dans le temps, comme celui de l'article 857 du code de procédure civile, […]”
Exemple : dans notre exemple précédent, si la date de l’audience est le 16 juin, le délai à rebours démarre le 15 juin à 24 heures 00.
A noter : Subtilité, en matière de convocation des associés, il faut tenir compte du jour de tenue de la réunion (Cour de cassation, 11 janvier 2005, n° 02-14.118 : “Mais attendu que l'arrêt retient que la lettre de convocation a bien été adressée à la société […] quinze jours avant la tenue de l'assemblée […] que le jour d'envoi de la convocation n'est pas compté alors que le jour de la tenue de l'assemblée l'est […]”. Dans notre exemple, le délai courrira non pas à compter du 15 juin (veille de l’assemblée) mais du 16 juin (jour de l’assemblée).
Le délai expire alors le dernier jour, non pas à 24 heures comme l’indique l’article 642 du code de procédure civile, mais à 0 heure.
Exemple : dans notre exemple précédent, si la date de l’audience est le 16 juin, le délai à rebours démarre le 15 juin à 24 heures 00 pour se terminer le 8 juin à 0 heure (délai de 8 jours) ou le 1er juin à 0 heure (si le délai était un délai de 15 jours).
Donc, à défaut de pouvoir prouver que la formalité a été faite à 0 heure, celle-ci est faite la veille (Cour de cassation, 14 mars 2018, n° 16-26.996).
Exemple : dans notre exemple précédent, la formalité doit être envoyée le 7 juin. (pour un délai de 8 jours) ou le 31 mai (pour un délai de 15 jours) si elle peut l’être matériellement à cette date (sinon prendre par exemple le premier jour ouvrable qui précède).
Enfin, conformément à l’article 668 du code de procédure civile, c’est la date d’envoi qui est prise en compte pour le calcul du délai et non la date de réception par le destinataire (Cour de cassation, 16 décembre 2005, n° 04-10.986).
Avocat au barreau de Paris