BSA, obligations convertibles : les fonds peuvent-ils être reçus par un établissement de paiement dans le cadre d'une souscription par crowdfunding/crowdequity ?
Question d’un client : auprès de qui les fonds provenant des souscriptions de valeurs mobilières donnant accès au capital (tels que les bons de souscription d’actions, les obligations convertibles en actions, etc) doivent-ils être déposés ? Plus particulièrement, un établissement de paiement (dans le cadre d’une souscription via une plateforme de crowdfunding/crowdequity) peut-il recevoir les fonds au nom de l’émetteur ?
Réponse : en l’absence de disposition légale expresse contraire, les fonds peuvent être, selon nous, déposés auprès d’autres personnes que celles visées traditionnellement par la loi pour la libération du capital social (établissement de crédit, notaire, Caisse des dépôts et consignations). L’émetteur, soit directement (sur son compte courant) soit via un établissement de paiement par exemple, peut donc recevoir les fonds qui n’ont pas besoin d’être déposés sur un compte spécial bloqué.
Explications : les modalités pratiques d’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital sont peu détaillées dans la loi et les textes sont éparpillés. Par exemple, nulle trace d’un bulletin de souscription aux articles L. 228-91 à L. 228-106 du code de commerce ou leurs textes d’application relatifs aux valeurs mobilières donnant accès au capital (certains, comme Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, se réfèrent à tort à l’article R. 228-93 du code de commerce qui ne concerne que la conversion et non la souscription du titre primaire). Il faut en fait se référer aux textes sur les augmentations de capital (article L. 225-143 du code de commerce) pour comprendre que le législateur (depuis l’ordonnance n° 2004-604 de 2004) vise également, s’agissant du contrat de souscription (“constaté par le bulletin de souscription”), les valeurs mobilières donnant accès au capital.
Qu’en est-il de la libération des souscriptions et de la remise des fonds ? On sait qu’en matière d’augmentation de capital, seules certaines institutions ou officiers ministériels (parmi lesquels ne figurent pas les établissements de paiement par exemple dans la mesure où il ne sont pas des établissements de crédit comme le rappelle l’article L. 522-1 du code monétaire et financier) peuvent recevoir les fonds (combinaison des articles L. 225-144, L. 225-5, R. 225-129 et R. 225-6 du code de commerce). Contrairement au bulletin de souscription, comme nous venons de le voir, aucune disposition particulière, à notre connaissance, ne traite du dépôt et retrait des fonds pour les valeurs mobilières donnant accès au capital. L’application des règles générales en matière d’augmentation de capital aux valeurs mobilières donnant accès au capital n’est pas systématique puisque lorsque ces règles doivent s’appliquer le législateur les vise expressément (voir articles L. 228-91, L. 228-92 et L. 228-103 du code de commerce). A l’exception donc de ces cas, les règles relatives aux valeurs mobilières donnant accès au capital sont “fixées par les articles L. 228-91 à L. 228-106 du code de commerce” (article L. 212-7 du code monétaire et financier et article 64, II de l’ordonnance précitée n° 2004-604). On peut donc conclure que les fonds provenant des souscriptions de valeurs mobilières donnant accès au capital (BSA, obligations convertibles, etc.) n’ont pas nécessairement (même si cela apparaît recommandé ne serait-ce que pour les besoins de la restitution des fonds en cas de non-réalisaiton de l’émission) à être déposés sur un compte bloqué ouvert auprès de certaines personnes seulement comme pour les augmentations de capital.
Avocat au barreau de Paris