BSA, obligations convertibles : le bulletin de souscription dans le cadre de souscriptions par des personnes physiques via des plates-formes de crowdfunding/crowdequity peut-il être électronique ?
Question : la souscription de valeurs mobilières donnant accès au capital (BSA, obligations convertibles, etc.) par une personne physique via des plates-formes de crowdfunding/crowdequity peut-elle être faite par voie de bulletin de souscription électronique ?
Réponse : un bulletin de souscription sous forme électronique serait envisageable si la signature du souscripteur est “qualifiée” au sens de la réglementation européenne.
Explications : L’article L. 225-143 du code de commerce impose de faire signer un bulletin de souscription pour les valeurs mobilières donnant accès au capital à peine de nullité. La nullité est facultative (L. 225-149-3). Le bulletin de souscription est « daté et signé par le souscripteur ou son mandataire qui écrit en toutes lettres le nombre de titres souscrits » (R. 225-128). Le bulletin de souscription doit donc remplir deux conditions fondamentales : la signature et une mention manuscrite de son auteur. Comment remplir ces conditions via des plates-formes électroniques ?
Le bulletin de souscription n’est pas exigé pour les établissements de crédit ou les prestataires de services d’investissement qui reçoivent « mandat d’effectuer une souscription ». Cette dérogation n’est pas, à notre connaissance, étendue aux conseillers en investissement participatif qui ne sont pas des prestataires de services d’investissement et dont les missions sont encadrées de manière précise (voir III de L. 547-1). Mais dans les deux cas, en toutes hypothèses, y compris donc pour les prestataires de services d’investissement, la dispense de bulletin de souscription ne semble pouvoir s’appliquer. En effet, depuis la réforme de l’ordonnance du 10 février 2016, modifiée notamment par la loi du 20 avril 2018, "En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d'intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté” (article 1161 du code civil). Le mandat serait donc contestable si les prestataires ou conseillers représentent également l’émetteur.
Par ailleurs, s’agissant des bulletins de souscription , les prestataires de services d’investissement ou les conseillers en investissement participatif n’ont pour mission que la“prise en charge des bulletins de souscription” (pour les prestataires de services d’investissement : article 315-9 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; pour les conseillers en investissement participatif : article L. 547-1 du code monétaire et financier et 325-66 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers). Mais non leur établissement.
Dans la mesure où il dispose d’un mandat de l’émetteur, cette prise en charge pourrait consister à recueillir les bulletins de souscription (voir 314-31 et 325-54 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers) par la voie électronique . On en revient alors aux règles en matière d’écrit électronique. Il semble qu’il ne fasse plus de doute que le contrat de souscription est pour une personne physique, agissant en dehors de tout cadre professionnel ou spéculatif, un acte de nature civile. Ce sont donc les règles de nature civile qui devraient s’appliquer. Il conviendrait alors de remplir les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil et du décret 2017-1416 qui exige une « signature électronique qualifiée » (voir les conditions détaillées dans le règlement (UE) n° 910/2014 du 23 juillet 2014). Une telle signature permettrait également de bénéficier des dispositions de l’article 1174 du code civil aux termes desquelles « Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même ». En effet, la signature électronique qualifiée permettrait de s’assurer de l’identité de la personne devant apposer la mention manuscrite. Les deux conditions principales exigées pour le bulletin de souscription (signature et mention manuscrite du souscripteur) seraient ainsi parfaitement respectées écartant tout risque de nullité de l’émission.
Rappelons, pour être complet, que l’article 25 du règlement européen précité dispose que : “L’effet juridique et la recevabilité d’une signature électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que cette signature se présente sous une forme électronique ou qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la signature électronique qualifiée”. Toutefois, cela ne remet pas en cause la question de la nullité de l’émission qui reste néanmoins laissée à l’appréciation du juge.
A noter : l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) admet également que les bulletins de souscription puissent être établis sous format électronique dès lors qu’est utilisé un procédé fiable d’identification garantissant le lien entre la signature et le bulletin (Ansa, comité juridique, n° 20-046 du 2 décembre 2020).
Avocat au barreau de Paris