Le calcul du quorum lorsque les actions sont privées du droit de vote (MAJ : loi pacte, L. 225-40)

Question : comment calcule-t-on le quorum lorsque des actions privées du droit de vote doivent également être déduites du quorum ?

Réponse : les actions ayant droit de vote doivent être déduites du calcul du quorum mais cette interprétation ne nous parait ni correspondre à l’intention du législateur ni présenter un intérêt par rapport au but poursuivi, bien au contraire (une réforme de certains textes étant d’ailleurs intervenue).

Explications : il existe de très nombreux textes privant les actions du droit de vote. Or, cette privation entraîne également une conséquence sur la calcul du quorum puisque les actions ne sont alors pas prises en compte pour le calcul (sociétés civiles : article 1832-2 du code civil ; SARL : L. 223-19 du code de commerce, SA : L. 225-40, L. 225-88, L. 225-111 du code de commerce ; conversion en actions de préférence : L. 228-15 du code de commerce).

La règle pourrait s’interpréter de deux manières : soit le seuil du quorum est recalculé en ne prenant pas en compte les actions exclues, soit le seuil du quorum n’est pas modifié et les actions exclues sont simplement défalquées pour l’atteinte de ce seuil. C’est cette seconde acception qui est retenue par la pratique (voir Y. Guyon : “Il faut donc défalquer du total des actions émises, les actions privées de la jouissance du droit de vote pour un motif quelconque : sanction, prévention d'un conflit d'intérêt, actions autodétenues, etc. Les textes qui suppriment le droit de vote précisent d'ailleurs que les actions ainsi amputées ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum”, in Assemblées d’actionnaires, Répertoire des sociétés, Dalloz). Cette acception aboutit parfois à la situation suivante : la personne intéressée pourrait “paralyser” le processus de vote si le nombre de ses actions était tel que le quorum ne pourrait pas être atteint.

Cette problématique est telle que le législateur a modifié certaines règles pour ne tenir compte que de la privation du droit de vote sans que cela ait un effet sur le quorum. Ainsi, la loi 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi dite “Pacte”), a modifié (art. 198, IV, 3°) le dernier alinéa de l’article L. 225-40 précité en le remplaçant par l’alinéa suivant : “La personne directement ou indirectement intéressée à la convention ne peut pas prendre part au vote. Ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité.” Ce même article met ainsi un terme à une controverse (faut-il exclure du calcul du quorum l’administrateur intéressé ?) en modifiant également le premier alinéa de l’article L. 225-40 par cette nouvelle rédaction : “La personne directement ou indirectement intéressée à la convention est tenue d’informer le conseil dès qu’elle a connaissance d’une convention à laquelle l’article L. 225-38 est applicable. Elle ne peut prendre part ni aux délibérations ni au vote sur l’autorisation sollicitée “.

Or, cette nouvelle approche semble correspondre à l’intention initiale du législateur dont la rédaction nous semble être une inadvertance. En effet, l’article L. 225-40 du code de commerce précité trouve son origine dans l’article 103 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Cet article 103 trouve lui-même son origine dans l’article 98 du projet de loi. Or, ce sera devant le Sénat que l’alinéa suivant sera ajouté : “L’intéressé ne peut pas prendre part au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité” (amendement n° 115 au nom de la commission des lois). Pour justifier de cet amendement, le rapporteur explique que (mis en gras par nous) “il paraît normal que l’administrateur intéressé par la convention ne participe pas au vote et, de même, que ses actions ne soient pas prises en compte pour le calcul de la majorité car l’on ne peut pas être à la fois juge et partie”. Le secrétaire d’Etat acceptait l’amendement (mis en gras par nous) “qui introduit en effet, une règle interdisant à l’intéressé de prendre part au vote sur l’approbation des conventions qu’il a conclues avec la société” (Sénat, séance du 21 avril 1966, p. 220). On comprend donc que l’intéressé est exclu du vote mais non de la réunion c’est-à-dire non du quorum. Est-ce une erreur de plume du législateur de 1966 ?

Cette inadvertance a été, plus de 50 ans plus tard, corrigée. On peut se demander s’il ne faudrait pas l’étendre à tous les autres textes dans l’intérêt des autres actionnaires.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris