Conventions uniques, délais de paiement, facturation : les changements apportés par l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (anc. articles L. 441-3, L. 441-6, L. 441-7 et L. 441-7-1)

L’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 est venue “refondre” le titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

L’ordonnance a été présentée au conseil des ministres ainsi : “L[‘] ordonnance consacre et renforce l’arsenal juridique du ministre chargé de la protection de l’ordre public économique pour sanctionner les abus de la grande distribution dans ses relations avec ses fournisseurs. Simplifiées et recentrées sur les trois notions cardinales de déséquilibre significatif, d’avantage sans contrepartie, et de rupture brutale de la relation commerciale, ces dispositions rénovées du code de commerce sont au cœur de la réforme issue des États généraux de l’alimentation. L’ordonnance pose aussi un cadre plus clair pour les conventions passées avec les distributeurs, prenant en compte les attentes des producteurs et fournisseurs de produits de grande consommation, notamment alimentaires”.

Le rapport au Président de la République indique quant à lui que le Gouvernement a été habilité à modifier les dispositions du code de commerce “afin de réorganiser, préciser, clarifier et simplifier ses dispositions. L’ […] ordonnance comporte les mesures prises en application de cette habilitation et contribue ainsi plus largement aux objectifs constitutionnels de clarté (article 34 de la Constitution), d'accessibilité et d'intelligibilité (articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen) de la loi”.

Nous présentons ici quelques changements importants. Nous tenons à la disposition de nos lecteurs un tableau comparatif plus détaillé sur simple demande par email.

Sur la forme : un changement de plan et de numérotation  

Le chapitre Ier (“De la transparence”) est affublé de nouvelles sections (section 1 : “Les conditions générales de vente”, section 2 : “La négociation et la formalisation de la relation commerciale”, section 3 : “La facturation et les délais de paiement”). Ce plan correspond, ainsi que l’indique le rapport au Président de la République, à “un plan chronologique et thématique de la relation commerciale”.

La numérotation des articles s’en trouve changée. Ainsi , pour ne reprendre que les plus importants, l’article L. 441-3 du code de commerce (facturation) devient l’article L. 441-9, le très fameux article L. 441-6 (conditions générales de vente, délais de règlement, taux d’intérêts des pénalités, indemnité forfaitaire pour recouvrement, etc.) devient les articles L. 441-1 et L. 441-2 (conditions générales de vente), L. 441-10, I (délais de règlement) et II (taux d’intérêts des pénalités, indemnité forfaitaire de recouvrement), l’article L. 441-7 (conventions entre producteur et distributeur/prestataire de services) devient l’article L. 441-3 et l’article L. 441-7-1 (conventions entre producteur et grossiste) est inséré au II de l’article L. 441-4, l’article L. 441-6-1 (communication des délais de paiement pour les sociétés dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes) devient l’article L. 441-14.

Sur le fond : une amélioration de la rédaction, une simplification et des ajouts

Délais de paiement

S’agissant des délais de paiement, l’ancien texte disposait que (mis en gras par nous) : “le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée'“ alors que le nouveau texte dispose que “le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée”. Cela peut paraître anodin, mais pour le calcul des délais (computation), la rédaction renforce la sécurité juridique à partir des règles de computation du code de procédure civile. De même, ce n’est plus “à compter de la date d’émission” que les délais de 60 jours et 45 jours s’appliquent mais “après la date d’émission”. Il y a ainsi une harmonisation des règles de point de départ des délais (dans l’ancienne rédaction il pouvait y avoir des délais “à compter de” et des délais “après”).

Facturation

S’agissant de la facturation, celle-ci doit maintenant mentionner “le numéro du bon de commande lorsqu'il a été préalablement établi par l'acheteur”.

L’amende “administrative” est différenciée selon qu’il s’agit d’une personne morale (375 00 euros à 750 000 euros en cas de “récidive”) ou d’une personne physique (75 000 euros à 150 000 euros en cas de “récidive”) avec donc un montant maximum en cas de “récidive” dans les deux ans (contre 50 % de la somme facturée ou qui aurait dû l’être auparavant). L’exclusion des marchés publics comme sanction pour les personnes morales est abandonnée (du fait certainement de la nature administrative et non plus pénale de l’amende).

Conventions uniques (qualifiées de “conventions écrites”)

Voir aussi notre article Conventions uniques : comprendre un 1 minute la refonte du régime par l’ordonnance du 24 avril 2019.

S’agissant de la convention dite unique ou annuelle devenue également par la suite pluriannuelle (qualifiée par l’ordonnance de “conventions écrites”), l’ordonnance prévoit désormais des règles communes à toutes les conventions et des règles particulières aux “conventions relatives aux produits de grande consommation (avec pour cette dernière catégorie une exclusion : les conventions entre les producteurs et les grossistes).

Les règles communes (un “régime aux obligations allégées”, dite “convention du régime général” ou “régime de base” selon le rapport au Président de la République) reprennent les anciennes règles à l’exception du barème de prix dont la communication préalable n’est plus exigée (en d’autres termes, ce sont les anciennes règles de l’article L. 441-7-1 relatives aux conventions entre producteur et grossistes qui sont devenues les règles communes). Le rapport au Président de la République précise que “L'ordonnance parachève ainsi le système mis en place ces quinze dernières années en précisant que les obligations qui étaient auparavant contenues dans l'actuel article L. 441-7 ne constituent plus que des obligations spécifiques applicables uniquement aux produits de grande consommation (vendus dans les grandes surfaces alimentaires)”.

Le délai de communication des conditions générales de vente est assoupli puisqu’il s’agit d’un “délai raisonnable” (nouvelle rédaction) et non plus “au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars” (ancienne rédaction).

En revanche, le prix ressortant de la négociation (le “prix convenu”) tient compte de l’ensemble des éléments négociés y compris (ce qui n’était pas le cas auparavant) la “coopération commerciale”. Ceci requiert désormais que le cout de cette coopération commerciale (l’enveloppe globale de ces services c’est-à-dire la valeur ou le pourcentage du chiffre d’affaires) soit déterminée dès le 1er mars.

La possibilité d’avenant introduisant un “élément nouveau” est expressément visée par les nouvelles règles. On peut d’ores et déjà s’interroger sur la possibilité de modifier le prix par avenant (mais le rapport au Président de la République indique que “Ce formalisme de l'avenant permettra en outre de s'assurer […] que ce dernier ne remet pas en cause l'économie générale du contrat”).

Les “services propres à favoriser” la commercialisation sont redevenus les “services de coopération commerciale”.

Les règles de dates d’entrée en vigueur ont été simplifiées : la convention est conclue “au plus tard le 1er mars de l'année pendant laquelle elle prend effet” (nouvelle rédaction), la date d'entrée en vigueur des principales obligations ne pouvant être auparavant “ni antérieure ni postérieure à la date d'effet du prix convenu” (cette règle étant maintenant appliquée pour certaines conventions seulement, voir ci-dessous).

Les règles communes s’appliquant aux producteurs-distributeurs/prestataires de services, on peut se demander si elles s’appliquent aux producteurs-grossistes ou si ces derniers sont exclus de toute application des règles sur les conventions écrites. Le rapport au Président de la République confirme que ces règles s’appliquent aux conventions avec les grossistes.

Les règles particulières sont applicables seulement aux conventions relatives aux produits de grande consommation (les “conventions relatives au PGC” selon le rapport au Président de la République). Ces règles particulières ajoutent principalement comme obligation, par rapport aux règles générales, que la convention “mentionne le barème des prix unitaires, tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation” (une telle obligation étant auparavant une règle de portée générale à l’exception des conventions conclues entre les producteurs et les grossistes).

Les dispositions du rrégime général qui ne sont pas contraires au régime des PGC s’appliquent à ce régime.

La date d'entrée en vigueur des principales obligations est “concomitante à la date d'effet du prix convenu”.

Nouveautés, la convention devra fixer le chiffre d’affaires prévisionnel ainsi que le plan d’affaires négocié (dont l’un des buts avoué est de faciliter les constatations de la DGCCRF durant les enquêtes sur l’encadrement en volume des promotions).

Pour une présentation pratique du nouveau régime, voir la fiche Convention unique (droits et obligations des parties) de la DGCCRF.

Entrée en vigueur

Facturation

Les dispositions relatives à la facturation s’appliquent à compter du 1er octobre 2019.

Conventions uniques

Les nouvelles dispositions s’appliquent immédiatement aux nouvelles conventions ou à tous avenants (même si l’avenant concerne une convention conclue antérieuement à l’ordonnance) et, pour les conventions pluriannuelles déjà conclues, à compter du 1er mars 2020.

La présente actualité fera l’objet d’une mise à jour récurrente au vu des différents positions, avis, recommandations, décisions de l’administration ou des juridictions.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris