Que faut-il vérifier en cas de distribution de réserves ou de primes (L. 232-11, L. 228-99, L. 225-181) ?

Question : Que faut-il vérifier en cas de distribution de réserves ou de primes ?

Réponse : le niveau des capitaux propres, l’existence de valeurs mobilières donnant accès au capital, l’existence de stock-options, si certains titres de la société sont démembrés.

Explications : la distribution d’acompte sur dividendes étant une opération requérant un certain nombre d’opérations préalables qui peuvent être couteuses ou lourdes (voir notre article sur cette question), la distribution de réserves distribuables ou de primes offre un mécanisme plus souple (L. 232-11).

A noter : la distribution exceptionnelle de réserve, c’est-à-dire en dehors des décisions des associés qui se prononcent sur les comptes et qui décident de l’affectation du résultat ou d’une autre décision qui déciderait de distribuer une autre partie de ce résultat qui aurait été affectée en “report à nouveau” par exemple, est-elle une distribution de dividendes ou de capital ? La réponse a une incidence par exemple sur les bénéficiaires de la distribution (s’agit-il de la distribution de fruits ou de capital dont les bénéficiaires sont différents lorsque les titres ont été démembrés entre usufruitier et nue-propriétaire ? ). Certains estiment qu’une distribution exceptionnelle ne serait pas une distribution de dividendes mais une “sorte de partage partiel” de l’actif social. D’autres estiment qu’il s’agit de dividendes l’article L. 232-11 du code de commerce visant les bénéfices, reports bénéficiaires ou réserves. Sur la question de la nature des sommes portées en compte “Report à nouveau” (voir ci-dessous).

Toutefois, une telle distribution nécessite quelques vérifications préalables.

1°/ Le niveau des capitaux propres

Les capitaux propres, après la distribution, devront être au moins égaux au capital social augmenté de la réserve légal non distribuable (10 % du montant du capital social ou le montant en cours si le plafond des 10 % n’a pas encore été atteint) et des éventuelles réserves statutaires non distribuables sauf pour ces dernières si les associés décident à la majorité requises pour la modification des statuts que ces réserves peuvent être finalement distribuées (L. 232-11, alinéa 3).

2°/ La société a émis des valeurs mobilières donnant accès au capital (obligations convertibles, BSA, etc.) ou des options de souscription ou d’achats d’actions (stock-options)

Si la société a émis des valeurs mobilières donnant accès au capital, elle doit prendre les mesure (et en tenir compte pour la distribution) qui ont été prévues pour protéger leurs intérêts avant de procéder à la distribution (L. 228-99, voir ancien article L. 225-154). Il en va de même dans l’hypothèse où la société a émis des options de souscription ou d’achats d’actions dites “stock-options” (L. 225-181)

Quelle réserve vise-t-on ? Le compte “report à nouveau” est-il considéré comme une réserve ?

A noter : comptablement le compte “report à nouveau” est le compte sur lequel est porté le résultat de l’exercice non distribué et non affecté à un compte de réserve (voir article 941-12 du plan comptable général). Il s’agirait d’une réserve temporaire (Cour de cassation, chambre civile, 9 mai 1956* arrêt non revu).

La Cour de cassation a décidé que les dispositions légales sont destinées à “préserver les intérêts des titulaires de valeurs mobilières donnant droit à l'attribution d'actions s'appliquent à toute opération affectant les fonds propres susceptible d'entraîner pour la société émettrice une perte de substance impliquant une baisse de la valeur des actions et en particulier à la mise en distribution d'un dividende prélevé, non sur les bénéfices, mais sur les primes liées au capital”.

A la lecture de cet arrêt le compte “report à nouveau” serait donc concerné (voir toutefois certains qui estiment que cela ne s’appliquerait que si celui-ci a été abondé avec plus de deux exercices, R. Foy, Bon de souscription d’action, Répertoire des sociétés, 2017).

3°/ Les titres sont démembrés

Si tout ou partie des titres est démembré (nue-propriété/usufruit), les réserves reviennent aux nue-propriétaires. Toutefois, elles sont versées à l’usufruitier pour la chambre commerciale de la Cour de cassation lequel a une dette envers le nue-propriétaire au titre d’un quasi-usufruit (27 mai 2015, n° 14-16.246) alors qu’elles sont versées au nue-propriétaire pour la chambre civile de la Cour de cassation (22 juin 2016, n° 15-19.471 ).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris