Holding animatrice (TVA, Dutreil, IFI) : la convention d'animation et d'assistance (CGI, 256 A, 787 B, 966)

Cas pratique : nous avons été saisis par un client dans le cadre de la restructuration de participations, de la constitution d’un groupe et de la mise en place d’une convention d’animation et assistance aux fins d’activation de la nouvelle holding.

On sait qu’une holding “pure” ou “passive” (détention et gestion d’un portefeuille de droits sociaux) n’exerce pas d’activité économique stricto sensu. Or, dans un tel cas, la holding n’est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à défaut d’activité économique (article 256 A du code général des impôts). De même, elle ne peut bénéficier du régime d’exonération partielle (75.00 %) des droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission d’entreprise dit “Dutreil” (article 787 B du code général des impôts). Enfin, les biens immobiliers détenus directement ou indirectement par la holding sont pris en compte dans l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (article 966 du code général des impôts).

Pour bénéficier de ces différents régimes avantageux, il faut alors que la holding devienne une holding “animatrice”.

A noter : la forme de la holding importe peu, celle-ci pouvant être une société par actions (SA, SAS, SCA), une société à responsabilité limitée (SARL), une société civile (BOI-PAT-ISF-30-30-40-10, §. 150 ; BOI-PAT-IFI-30-10-40, §. 140).

A noter : nombreux sont ceux qui préconisent d’insérer dans l’objet social de la holding son caractère d’animatrice.

Il faut que la holding, expression hasardeuse de la jurisprudence européenne (reprise parfois par la jurisprudence administrative française), “s’immisce dans la gestion des sociétés(voir Cour de justice des Communautés européennes, 27 septembre 2001, 16/00 et Cour de justice de l’Union européenne, 16 juillet 2015, 108/14 ; Conseil d’Etat, 20 mai 2016, n° 371940).

A noter : expression en effet hasardeuse lorsque l’on sait qu’en droit français, l’immixtion caractérisée dans la gestion d’une société est une des caractéristiques du soutien abusif (L. 650-1 du code de commerce) ou de la gestion de fait pouvant ouvrir droit à l’action en comblement de passif (L. 651-2 du code de commerce).

La législation et la jurisprudence française lui ont préféré une toute autre expression celle de “participation active à la conduite de la politique”.

A noter : la première définition légale de la holding animatrice résulte de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 (article 38, H résultant de l’amendement 1-CF-313). Elle-même était issue d’une instruction du 19 mai 1982 (BODGI 7-R-2-8) de l’administration fiscale sur l’impôt sur les grandes fortunes (citée in Cour de cassation, 19 novembre 1991, n° 89-19.474 et Cour de cassation 2 juin 1992, n° 90-14.613).

L’article 966 précité vise ainsi les sociétés gérant un portefeuille de participations qui “participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers” (repris notamment par Conseil d’Etat, 13 juin 2018, 395495 et Cour de cassation, 14 octobre 2020, n° 18-17.955).

On notera la condition principale “participer activement à la politique du groupe et au contrôle des filiales“ et la condition accessoire “le cas échéant et à titre purement interne, [rendre] des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers”.

A noter : sur la condition principale, voir Bulletin officiel des impôts qui précise que ne font pas partie des holdings animatrices, “celles qui ne font qu'exercer les prérogatives usuelles d'un actionnaire (exercice du droit de vote et prises de décisions lorsque l'importance de la participation le permet, et exercice des droits financiers)” (BOI-PAT-ISF-30-30-40-10, §. 140 ; BOI-PAT-IFI-30-10-40, §. 130 ; également Cour de cassation, 10 décembre 2013, n° 12-23.720 ).

Contrairement à ce que l’on peut donc souvent lire, la fourniture de services et encore moins la conclusion d’une convention d’assistance n’est pas une condition déterminante (voir par exemple, malgré une convention de trésorerie, Cour de cassation, 6 mai 2014, 13-11.420 et Cour de cassation, 25 mai 2022, n° 19-25.513 visant: “le caractère principal de son activité d'animation de groupe” ). Mais cette condition accessoire peut bien entendu être prise en compte (à propos de l’ISF mais transposable, Cour de cassation, 27 septembre 2005, n° 03-20.665).

En revanche, cette condition accessoire redevient essentielle, selon nous, pour que la holding soit assujettie à la TVA (voir Conseil d’Etat, 20 mai 2016, n° 371940 “la société [X], société intégrante d'un groupe de sociétés ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale, a conclu avec l'ensemble de ses filiales, dans lesquelles elle détient des participations, pour l'essentiel à hauteur de 100 %, des conventions de gestion et d'assistance administrative, technique et comptable à l'origine de prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et fournit à ses clients des prestations d'ingénierie également soumises à cette taxe ; qu'ainsi, elle doit être regardée comme s'immisçant dans la gestion de ses filiales et exerçant, en sa qualité de société holding, une activité économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée”; cité également dans BOI-TVA-SECT-50-40, §. 280).

A noter : le caractère de holding animatrice s’apprécie au jour du fait générateur de l'imposition et non a posteriori (Cour de cassation, 25 mai 2022, n° 19-25.513).

S’agissant de la condition principale, il s’agit d’une question de fait (voir Cour de cassation, 23 novembre 2010, n° 09-70.465 ; 15 février 1994, n° 91-22.14).

A noter : pour un exemple d’animation reconnue, voir cour d’appel de Paris, 7 juillet 2006, n° 02/12395 : “ce rôle d’animation du groupe est confirmé par le commissaire aux comptes de [C] qui atteste […] que [C] définit la politique d’ensemble du groupe, donne toutes instructions nécessaires aux cadres exécutifs des filiales et assume toutes prestations administratives, comptables, financières et juridiques pour l’ensemble des sociétés du groupe ; […] ainsi, la fonction de détermination de la politique générale réservée exclusivement à la holding par les contrats précités est effectivement appliquée au sein du groupe et qu’en tout cas, l’administration fiscale n’établit pas, à l’encontre de ces conventions, que les filiales ont mené une politique différente de celle définie par [C] »

Par conséquent, comme l’a considéré la Cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2021 (n° 19-22.397), on doit être en présence non seulement d’un groupe c’est-à-dire d’une holding et de sociétés opérationnelles et contrôlées (point 19) mais la société holding doit avoir des moyens et les mettre effectivement en œuvre (point 24).

A noter : voir également le Bulletin officiel des impôts qui vise la “[mobilisation] de moyens spécifiques” (BOI-PAT-ISF-30-30-40-10, §. 140 ; BOI-PAT-IFI-30-10-40, §. 130).

A noter : pour une détermination des contours de la condition principale, voir Cour de cassation, 10 décembre 2013, n° 12-23.720 : “ces documents ne démontrent pas que la société Holding [Y] participait activement à la gestion des sociétés du groupe en prenant des décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégique qui s'imposaient et, ce faisant, ne se bornait pas à exercer son rôle et ses prérogatives d'actionnaire”.

A noter : pour éviter tout risque d’abus de biens sociaux, la politique du groupe doit être appliquée en tenant compte de l’intérêt social des sociétés. On pourra s’inspirer du fameux arrêt Rozenblum de la Cour de cassation : “le concours financier […] doit être dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d'une politique élaborée pour l'ensemble de ce groupe, et ne doit ni être démuni de contrepartie ou rompre l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge (Cour de cassation, 4 février 1985, n° 84-91.581).

S’agissant de la condition accessoire, il convient, pour des raisons de preuve mais également de justification comptable (et donc fiscale) des facturations, de conclure une convention d’assistance entre la société faitière et les sociétés qu’elle contrôle et de lui donner date certaine soit en l’enregistrant (Cour d’appel de Lyon, 24 novembre 2020, n° 19/03679*) soit, pour des raisons de confidentialité, en la déposant chez un officier ministériel (notaire ou huissier de justice devenu commissaire de justice depuis le 1er juillet 2022). *Arrêt non revu.

A noter : l’assistance peut être de plusieurs ordres. Une assistance administrative, bien entendu, mais également comptable (qui ne violerait pas** le monopole des experts-comptables dès lors que les entités sont contrôlées), juridique (qui ne violerait pas** le monopole des professons juridiques dès lors que les entités sont contrôlées), financière. Elle peut également fournir des services en matière de gestion des contrats d’assurance (parfois via un contrat “parapluie” de groupe) ou immobilière (par la fourniture, au même titre que les sociétés de coworking, d’espaces et de services y afférents tels qu’accueil physique ou téléphonique des clients, services de reproduction et de scans, fourniture d’eau et autre consommable, etc.). **Nous ne savons pas sur quelle base légale (tolérance ?) ces entorses aux monopoles légaux sont fondées d’autant plus que les opérations ne sont pas rendues à titre gratuit mais constitue de véritables ventes de prestations commerciales.

A noter : dans la mesure où la condition principale est la participation active à la conduite de la politique du groupe, la convention d’assistance pourrait prévoir des engagements à ce titre pour déterminer les conditions de cette participation (voir en ce sens, Cour de cassation, 10 décembre 2013, n° 12-23.720 : “il ne résultait pas de ce contrat que les décisions importantes de la société [K] étaient prises conformément à une politique générale définie par la société holding ou avec son accord”). La convention serait donc intitulée “convention d’animation et d’assistance groupe”.

A noter : la convention devra faire l’objet des procédures prévues pour les conventions réglementées (notamment, articles L. 223-19 (pour les sociétés à responsabilité limitée), L. 225-38 et L. 225-86 (pour les sociétés anonymes), L. 227-10 (pour les sociétés par actions simplifiées en distinguant bien les sociétés unipersonnelles, alinéa 4, des sociétés pluripersonnelles, alinéa 1) et L. 612-5 (pour les personnes morales privées non commerçantes ayant une activité économique) du code de commerce).

Les prestations doivent être refacturées par la holding aux sociétés qu’elle contrôle et ne pas être fournies gratuitement (Cour de justice de l’Union européenne, 12 janvier 2017, C-28/16 ; voir également Cour de cassation, 10 décembre 2013, n° 12-23.720).

Il convient bien de distinguer les conventions d’assistance des conventions de direction ou de management (voir notamment Cour de cassation, 24 novembre 2015, n° 14-19.685).

Vous souhaitez un modèle de convention d’animation et d’assistance, contactez-nous.

 Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris