Cession de parts sociales (SCI, SARL) ou d’actions et purge de l'agrément : le formalisme préalable, inévitable et obligatoire (1861, L. 223-14, L. 228-23)
Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation impose le respect de certaines formalités préalables en cas de cession de parts sociales ou d’actions nécessitant un agrément.
L’agrément
Il résulte en effet de différents textes légaux que certaines cessions de parts sociales de société civile (SCI ou autres) ou de sociétés à responsabilité limitée (SARL) sont soumises à agrément (pour les sociétés civiles : article 1861 ; pour les SARL : L. 223-14). Un agrément peut également être introduit pour les cessions d’actions des sociétés anonymes (L. 228-23) ou des sociétés par actions simplifiée (L. 227-14).
A noter : pour les sociétés civiles le gérant investi du droit de donner l'agrément par les statuts peut se prononcer sur la cession de ses propres parts sociales (Cour de cassation, 17 janvier 1996, n° 93-16.371).
La notification préalable
Chacune de ces procédures prévoit une notification préalable dans des formes particularités (par acte d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pour les sociétés civiles, les SARL et les SA).
A noter : un gérant qui est bénéficiaire d’une cession n’est pas tenu de la notifier préalablement aux autres associés, lorsque les statuts l’obligent seulement à leur notifier un refus d’agrément, le gérant cessionnaire n’allant pas se refuser à soi-même l’agrément (Cour de cassation, 5 janvier 1994, n° 91-17.301).
A noter : pour les sociétés par actions simplifiée, aucune disposition réglementaire ne détermine la procédure d’agrément. Toutefois, l’article L. 227-1 du code de commerce dispose que “Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception de l'article L. 224-2, du second alinéa de l'article L. 225-14, des articles L. 225-17 à L. 225-102-2, L. 225-103 à L. 225-126, L. 225-243, du I de l'article L. 233-8 et du troisième alinéa de l'article L. 236-6, sont applicables à la société par actions simplifiée”. Or, les dispositions de l’article L. 228-23 du code de commerce sur les clauses d’agrément dans les sociétés anonymes ne font pas partie des textes excluent par l’article L. 227-1 et sont insérés dans un chapitre VIII concernant les valeurs mobilières émises par “les sociétés par actions”. Elles s’appliquent donc aux sociétés par actions simplifiées.
Le défaut de notification préalable est irréversible
Le formalisme légal n’est pas qu’un simple formalisme dont les parties pourraient se dispenser. En effet, la Cour de cassation a décidé que le défaut de notification préalable aux fins d ‘agrément ne pouvait être confirmé (pour une SARL : Cour de cassation, 21 janvier 2014, n° 12-29.221 ; Cour de cassation, 9 novembre 1993, n° 91-19.724 ; Cour de cassation, 21 mars 1995, n° 93-14.564). Une notification postérieure à la cession serait également inefficace (pour l’agrément d’une cession d’actions : Cour de cassation, 6 mai 2003, n° 01-12.567), ni le consentement des associés dans un document annexé à l’acte de cession (pour une SARL : Cour de cassation, 26 mars 1996, n° 93-17.895), ni la participation des associés à une assemblée avec l’acquéreur (pour une SARL : Cour de cassation, 21 mars 1995, n° 93-14.564) . L’intervention des autres associés n’aurait pas d’effet (pour une SARL : Cour de cassation, 9 mai 1990, n° 87-14.375 mais voir aussi pour une SARL : Cour de cassation, 10 mai 1994, n° 92-19.240).
Important : on constate que la quasi-totalité des arrêts cités sont des arrêts relatifs à la cession de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée (ou d’actions de sociétés anonymes). La doctrine, semble-t’il majoritaire, estime que les mêmes solutions s’appliqueraient pour les cessions de parts sociales de sociétés civiles. Il convient néanmoins de noter que pour les SARL ou les SA (et par extension les SAS), le législateur a précisé que “Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite.” (SARL) ou que “Toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est nulle.” (SA et SAS). Or, pour les sociétés civiles, l’article 1864 qui dispose qu’“Il ne peut être dérogé aux dispositions des deux articles qui précèdent […]” ne vise que les articles 1862 et 1863 et non l’article 1861 qui seul prévoit la notification. Les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 1844-10 selon lesquelles “La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.” ne s’appliqueraient pas à l’article 1861 ce qui pourrait se comprendre puisque l’article 1864 ne vise pas l’article 1861 du code civil. Il nous semble donc que la procédure de notification préalable pour les sociétés civiles, contrairement aux SARL ou SA ne serait pas une procédure d’ordre public. Cela signifierait que toute la jurisprudence sur les SARL ci-dessus n'aurait pas nécessairement vocation à s’appliquer à la procédure d’agrément des sociétés civiles. On notera un arrêt ambigu de la Cour de cassation qui a rejeté une nullité pour défaut de qualité des demandeurs (qui n’étaient pas associés) mais qui précise que “seuls les associés peuvent invoquer les dispositions de l'article 1861 du code civil” qui avait invoqué par le demandeur pour demander la nullité de la cession (Cour de cassation, 6 décembre 2000, arrêt n° 99-11.332).
La sanction est la nullité absolue
Or, la sanction est lourde puisqu’à défaut de notification la cession est nulle (pour une SARL : Cour de cassation, 14 avril 2021, n° 19-16.468 ; Cour de cassation, 11 février 1992, n° 89-14.596) et de nullité absolue (puisqu’elle ne peut être confirmée). Cette nullité peut donc être demandée par la société ou les associés mais non par le cessionnaire (pour une SARL : Cour de cassation, 11 février 1992, n° 89-14.596 ; pour une société en nom collectif : Cour de cassation, 24 novembre 2009, n° 08-17.708).
A noter : pour les sociétés civiles, le cédant ne pourrait contester la nullité (Cour de cassation, 6 décembre 2000, arrêt n° 99-11.332, l’arrêt visant les “associés dont le consentement est requis” ajoutant une condition par rapport à Cour de cassation, 19 juillet 2000, n° 98-10.469 qui visait “les associés” sans autre précision). L’acte étant en effet valable entre les parties (inter partes), l’agrément n’étant pas une condition de validité de la cession entre le vendeur et l’acquéreur, on ne comprendrait pas qu’un cédant puisse se défaire de ses engagements en invoquant une irrégularité dans la procédure d’agrément. ce qui signifie d’ailleurs que si tous les associés sont cédants ou cessionnaires alors la nullité ne pourrait être invoquée en théorie que par la société (étant précisé que lorsque l’agrément est donné par le gérant, la notification à la société n’est plus indispensable en application de l’article 1861 du code civil).
A noter : pour les cessions de parts sociales de société en nom collectif, la sanction n’est pas la nullité mais l’inopposabilité à la société et aux autres associés (Cour de cassation, 16 mai 2018, n° 16.16.498).
Portée de la jurisprudence
Cette jurisprudence ne vaudrait que pour les formalités prévues par la loi et non celles qui seraient imposées, en-dehors de tout cadre législatif (par exemple une clause d’agrément dans un pacte d’associés d’une SA ou d’une SAS dont les statuts ne prévoiraient pas ou ne reprendraient pas la clause d’agrément du pacte).
Avocat au barreau de Paris