Installations industrielles : les grandes lignes directrices d'un contrat d'exploitation-maintenance (O&M)

Le contrat d’exploitation et de maintenance, parfois dénommé « opérations-maintenance » par référence à l’anglais O&M, est un contrat clé notamment dans les opérations de financement de projets d’installation industrielle. Nous tentons d’en présenter les grandes lignes directrices.

EXPLOITATION

L’exploitation est l’ensemble des prestations dont le but est de permettre d’exploiter l’installation industrielle selon ses spécifications techniques et administratives. Il ne s’agit pas de l’exploitation commerciale.

On peut y trouver les prestations techniques, de supervision, de surveillance et de contrôle, de sécurité, de relations avec les autorités, de nettoyage, de montage et remise en état du site.

MAINTENANCE

La maintenance est l’ensemble des prestations dont le but est de maintenir la fonction de l’installation industrielle pour laquelle elle a été conçue et est destinée. Elle a aussi souvent pour objectif de maintenir la ou les performances de l’installation (fondamentales pour l’activité du maître d’ouvrage s’il veut réaliser son plan d’affaires). Elle peut parfois les améliorer.

Pour cela, le mainteneur va effectuer une maintenance préventive (pour éviter que l’installation défaille ou se dégrade) et corrective (intervention suite à une panne - défaillance ou une dégradation - pour rétablir l’installation dans sa fonction).

A noter : on distingue parfois dans la maintenance préventive, la maintenance préventive systématique (programme de maintenance au vu d’une dégradation de l’installation dont l’évolution est connue, sans contrôle préalable) et la maintenance conditionnelle prévisionnelle (dégradation réelle par des mesures, analyses et traitements périodiques et continus, elle permet d’optimiser la maintenance systématique pour en réduire le coût ou les impactes sur l’installation) ou non prévisionnelle. La maintenance conditionnelle est qualifiée de maintenance préventive active.

A noter : la maintenance corrective comprend généralement le diagnostic de défaillance (localiser, diagnostiquer) et l’action corrective (réparer) immédiate ou différée aboutissant à l’essai de fonctionnement. L’action corrective peut être acceptée (maintien de la défaillance), palliative (action provisoire tel un dépannage) ou curative (rétablir l’installation). Elle est urgente ou différée. La maintenance curative (catégorie d’une maintenance corrective) est souvent confondue avec la maintenance corrective (ensemble des maintenances correctives).

A noter : les maintenances visées ci-dessus peuvent aussi être regroupées en deux catégories. La maintenance programmée (regroupant la maintenance préventive systématique, la maintenance préventive conditionnelle et la maintenance corrective différée) et la maintenance non programmée (maintenance préventive ou corrective différée dite « opportuniste » et la maintenance corrective d’urgence).

La maintenance est généralement faite sur le site de l’installation, mais peut également se faire à distance (via un système de contrôle ou d’intervention à distance par exemple : c’est la télémaintenance).

CONTRAT

Nous rappelons ici que les clauses spécifiques et n’abordons pas les clauses générales que l’on peut retrouver dans un contrat de prestations de services (définition, interprétation, modalités de paiement, intérêts de retard, responsabilité, assurances, droit de propriété intellectuelle, confidentialité, loi applicable, règlement des litiges, élection de juridiction et territoriale, etc.).

A noter : pour la terminologie, on peut utiliser la norme X-60-319. Parmi les définitions fondamentales : installation, site, maintenance, disponibilité, défaillance, panne, réparation, dépannage.

Exposé

On rappellera en exposé que le maître d’ouvrage (le propriétaire de l’installation) est propriétaire d’une installation assurant un certain usage (fonctionnalité) et pour lequel il cherche un professionnel en vue de maintenir l’installation (son fonctionnement et ses performances) pour l’usage pour lequel il est destiné. Les spécificités particulières de l’installation ou du site seront également rappelées (notamment si l’installation est soumise à un permis administratif ou une autorisation administrative telle qu’une ICPE).

Le « cahier des charges »

Les grands principes de l’exploitation-maintenance seront rappelés. Il s’agit de l’étendue des obligations de l’exploitant-mainteneur (ce à quoi il doit se conformer).

Mais, les obligations de l’exploitant-mainteneur ne découlent pas uniquement du seul contrat d’exploitation-maintenance per se.

On rappellera d’abord que l’exploitant-mainteneur devra se conformer aux normes et standards de la profession ou du secteur (règles de l’art ou meilleures pratiques) ainsi qu’aux règles en matière d’hygiène et de sécurité.

A noter : sur la notion de règles de l’art, le professeur Anne Penneau les définit comme « les données actuellement acquises de la science accessibles au professionnel en fonction du moment, du lieu et de l'environnement économique de l'exécution du contrat. Elles sont des règles de savoir-faire » (Recueil Dalloz, 1998, p. 488).

D’autres documents peuvent ensuite faire partie de la sphère contractuelle. Les autorisations administratives qui seraient nécessaires à l’exploitation de l’installation. Mais surtout, l’installation industrielle est généralement remise au maître d’ouvrage avec des manuels d’utilisation et de maintenance, des spécifications techniques (plans, dessins, conception, description, normes techniques), ainsi que pour les constructions le « dossier des ouvrages exécutés » (DOE). Ces documents constituant la « documentation contractuelle » ou le « cahier des charges », seront généralement annexés au contrat d’exploitation-maintenance pour en faire partie intégrante. Il conviendra éventuellement de prévoir une hiérarchie de cette documentation contractuelle pour traiter les éventuelles contradictions entre les différents documents.

L’identification de l’installation

Il convient de déterminer l’objet de l’exploitation-maintenance, à savoir identification de l’installation industrielle (nature de l’installation : ensemble des matériels et équipements, lieu d’exploitation qui sera le lieu d’intervention) et ses spécificités techniques (communication des manuels du concepteur-constructeur).

Les obligations du maître d’ouvrage

Elles sont relativement simples : la mise à disposition de l’installation industrielle et de sa documentation technique et le paiement du prix des prestations.

A noter : la remise/prise en charge de l’installation à exploiter et maintenir peut faire l’objet d’une procédure détaillée notamment lorsque l’installation est neuve (voir ci-dessous : participation de l’exploitant-mainteneur aux opérations de réception, tests et/ou mise en service industrielle).

A noter : le maître d’ouvrage est généralement responsable de la mise en conformité de l’installation si celle-ci n’était pas conforme au moment de sa remise.

La fourniture des « fluides » (eau, énergies : électricité, gaz) est généralement mise à la charge du maître d’ouvrage en précisant, le cas échéant, que les fluides liés aux opérations de maintenance sont à la charge de l’exploitant-mainteneur. Il conviendra éventuellement de préciser qui a la charge de la mise à disposition de l’outillage et du matériel, du stock des pièces et d’autres fournitures (télécommunication, etc.) pour les opérations de maintenance.

Les missions pré-exploitation-maintenance

Il peut parfois être nécessaire de faire participer le futur exploitant-mainteneur aux essais, mise en service et/ou réception de l’installation à exploiter et entretenir pour que celui-ci fasse éventuellement part au maître d’ouvrage de ses réserves.

A noter : en effet, certains défauts de l’installation pourront avoir des conséquences quant à certaines missions de l’exploitant-mainteneur. Il est ainsi parfois stipulé que les défaillances ou pannes trouvant leur origine dans un défaut de conception ou de réalisation de l’installation ne rentrent pas dans le prix convenu avec le maître d’ouvrage.

Les missions d’exploitation

Elles consistent généralement à conduire l’installation selon ses spécificités techniques ou les prescriptions administratives (surveillance, contrôle, veille réglementaire), à gérer les relations avec les fournisseurs et clients (réception, relevés, gestion des paiements/recettes, astreintes d’intervention, gestion des réclamations, etc.) à fournir des moyens humains (personnel) et matériel (vêtements et outillages, engins), à gérer les fournitures (appel d’offres, contractualisation et relations avec les fournisseurs, continuité d’approvisionnement), à assurer la sécurité et la propreté de l’installation.

Lorsque l’installation est neuve, l’exploitant peut également gérer les garanties décennales et de bon fonctionnement de l’installation et de ses équipements, voire les garanties contractuelles (notamment défaut de conformité).

Les missions de maintenance

A noter : les missions de maintenance peuvent, pour certains biens, être réparties entre le maître d’ouvrage et le mainteneur.

Il existe plusieurs niveaux de maintenance qu’on pourrait regrouper en trois grandes catégories : la maintenance simple (réglages, replacement des consommables, graissages, etc.), moyennement complexe (contrôles, visites, examens, réparation des composants, etc.) et majeure (révision, réparations importantes, remplacement obsolescence, etc.). Généralement, le contrat scinde les obligations du mainteneur en fonction de la maintenance : maintenance préventive et maintenance corrective.

A noter : selon la norme X 60-000, on peut utiliser 5 niveaux de maintenance préventive et corrective en fonction de la complexité des actions, de la nature des équipements (intégrés, portatifs, spécialisés, industriels) et de la technicité ou technologie particulière (processus, savoir-faire).  

La description des opérations de maintenance dépendra bien entendu du type d’installation. Mais, en toutes hypothèses, il conviendra de déterminer, lorsque cela est possible au vu de la nature de l’installation, les fréquences d’exécution pour la maintenance préventive(calendrier, programmation) et les délais d’intervention pour la maintenance corrective (ces obligations feront l’objet d’incitations via des pénalités ou primes, voir ci-dessous).

A noter : outre les opérations de maintenance, le contrat peut parfois prévoir des opérations de mise en conformité, d’amélioration, de gros entretien, de remplacement et/ou de renouvellement/modernisation (lorsque le mainteneur est également le concepteur-réalisateur de l’installation). Lorsque le coût de gros entretien, remplacement et/ou de renouvellement est mis à la charge du mainteneur, on parle alors de garantie dite totale. On précise alors la nature des équipements entrant ou exclus de cette garantie. Pour permettre au mainteneur de prendre en charge le coût de ces opérations, les parties constitue un compte de garantie totale (ou de réserve ou GER) abondé par le maître d’ouvrage. Le sort du solde de ce compte (positif ou négatif) en fin de contrat est convenu entre les parties dans le contrat (ce compte peut être incitatif pour le mainteneur si une partie de celui-ci, du fait d’« économies », lui est remis).

Le contrat prévoira la constitution d’un stock (si le délai d’approvisionnement ou les prix d’achat sont susceptibles de fluctuer) pour éviter toute interruption de fonctionnement de l’installation : il est composé notamment des « consommables » et des pièces de remplacement programmées (pièces d’usure) ou non programmées (pièces de rechange) (stock de sécurité). Il conviendra de déterminer la propriété du stock (maître d’ouvrage ou mainteneur) ainsi que le sort de ce stock (ainsi que du matériel et outillage utilisé par le mainteneur pour les opérations de maintenance) en fin de contrat et, le cas échéant, son prix de cession au maître d’ouvrage (prix d’achat, de marché ou valeur nette comptable par exemple).

A noter : on peut s’inspirer des contrats de concession de service public pour le sort des biens relatifs à la maintenance en prévoyant par exemple des « biens de retour » (retour de plein droit au maître d’ouvrage à titre gratuit ou à la valeur nette comptable), les biens de « reprise » (retour sur demande du maître d’ouvrage à la valeur de marché) et les biens « propres » (qui reste la propriété du mainteneur).

A noter : on peut imposer au mainteneur une analyse périodique du stock et/ou une obligation d’en minimiser le coût au vu des retours d’expérience de la maintenance.

Le mainteneur peut avoir la garde du site, de l’installation et celle du stock (il en est donc responsable, notamment en cas de dégradation ou de perte). Le contrat rappellera le respect des règles d’hygiène et de sécurité (exigence particulière d’équipement, permis d’accès, etc.) ainsi que, le cas échéant, les obligations de formation et les mesures de protection (vêtements, etc.). En fonction de la nature de l’installation industrielle, le contrat prévoira également les mesures de protection de l’environnement (traitement et élimination des déchets, prévention de la pollution).

L’identification d’un interlocuteur dédié auprès de chaque partie est recommandée pour l’exécution du contrat.

Lorsque cela est nécessaire pour la bonne continuité des opérations de maintenance (notamment en cas de changement de mainteneur), le contrat peut prévoir la constitution de collectes d’informations (registres, rapport d’exploitation, rapport annuel, échanges avec les administrations, ou autres) sur la maintenance (retour d’expérience : effets et causes des défaillance, dégradations constatées dans le temps, remplacements et remises en état effectués, etc.) qui serviront à la fois à matérialiser le « savoir-faire » mais également permettra de vérifier les opérations du mainteneur (en cas de contrôle ou d’audit). Ces données devraient être cédées au maître d’ouvrage (à prévoir dans la clause sur les droits de propriété intellectuelle).

Les garanties, astreintes, pénalités et incentives

Il s’agit d’une des parties les plus importantes car, par l’incitation que ces mesures  engendrent sur l’exploitant-mainteneur, permet de garantir le maintien des performances de l’installation.

On retrouve ainsi souvent une garantie de disponibilité (performance warranties) de l’installation industrielle (les opérations d’exploitation-maintenance doivent permettre à l’installation de fonctionner sur une année un certain temps exprimé en pourcentage ou en heures par exemple). On retrouve également des garanties d’intervention (en distinguant les interventions urgentes et normales), de rétablissement, de délais (remise des informations périodiques), de production.

Le contrat prévoit également des astreintes, c’est-à-dire une obligation d’intervention à tout moment (24/24, 7/7) ou durant des périodes particulières (tranches horaires, week-ends, dimanches).

A ces garanties et astreintes sont associées des pénalités. Les pénalités sont généralement plafonnées (caps) sauf si la faute est lourde ou intentionnelle ou sauf négligence grave. Lorsque le plafond est atteint (signifiant une problématique dans l’exploitation-maintenance), le maître d’ouvrage peut alors résilier le contrat. Pour éviter une telle situation, il est parfois prévu des paliers (par exemple atteinte de 70 % du plafond) entraînant des mesures de « remédiation » (laissant ainsi une chance à l’exploitant-mainteneur d’adapter les opérations d’exploitation-maintenance). Sont parfois également prévues des causes « légitimes » de retard.

Il peut y avoir également des incitations financières (incentives) au vu des performances (exécution anticipée, réduction des coûts, augmentation du bénéfice net, économies d’énergie, etc.).

Le prix des prestations

Le prix des prestations d’exploitation et de la maintenance préventive est généralement forfaitaire (somme fixe ou pourcentage des revenus de la production) avec un indice de variabilité. Le prix de la maintenance curative est généralement déterminé sur la base d’un taux horaire et de devis.

A noter : il est recommandé de décomposer le prix en fonction des missions lorsque des pénalités sont prévues car le plafond de ces pénalités vise généralement le prix.

Il convient de préciser si le prix inclut les éléments suivants : taxes liés à l’installation, charges des impôts (droits de douane par exemple), honoraires des bureaux de vérification, frais de déplacement (transport, hébergement), matériaux et pièces de rechange, etc.

Des garanties financières sont parfois demandées de part et d’autre. Une clause de « compensation » peut permettre d’offrir des garanties à moindre coût ou une lettre de confort de la maison-mère.

La durée du contrat

Le contrat est généralement à durée déterminée ou, à tout le moins, pour une période.

La date de prise d’effet du contrat peut être différente de sa date de conclusion. La date d’effet est généralement la réception ou la mise en service industrielle de l’installation lorsqu’il s’agit du premier contrat d’exploitation-maintenance (sauf à prévoir des prestations de pré-exploitation-maintenance).

La fin du contrat peut être multiple : arrivée du terme ou résiliation. Dans ce dernier cas, différentes hypothèses sont envisagées pour en déterminer les conséquences qui ne seront pas les mêmes (généralement les prestations déjà réalisées par l’exploitant-mainteneur ainsi que le coût des fournitures sont facturés) : résiliation pour faute de l’exploitant-mainteneur (généralement l’exploitant-mainteneur doit supporter les conséquences de la résiliation sur l’activité du maître d’ouvrage et quant au surcoût que cette résiliation entraîne auprès d’un nouveau exploitant-mainteneur notamment en terme de prix), résiliation pour faute du maître d’ouvrage (généralement le maître d’ouvrage indemnise l’exploitant-mainteneur des conséquences de la résiliation en terme de couts directs et du manque à gagner), résiliation à la demande du maître d’ouvrage moyennant un préavis ce que l’on qualifie dans les contrats internationaux de termination without cause (généralement le maître d’ouvrage indemnise l’exploitant-mainteneur des conséquences de la résiliation en terme de manque à gagner), résiliation par suite d’événements (atteinte du plafond des pénalités, force majeure se prolongeant, changement de contrôle d’une partie, résiliation d’un contrat principal auquel est adossé le contrat d’exploitation-maintenance, etc.).

La vie du contrat

Lorsque l’installation est nouvelle, notamment en terme technique, le contrat prévoit parfois une clause de rendez-vous/« revoyure » pour adapter « de bonne foi » le contrat aux expériences de l’exploitation-maintenance.

Le contrat réglera le cas de la sous-traitance (autorisée ou non), de la force majeure (éventuellement définition des cas « contractuels » de force majeure), du contrôle ou de l’audit des missions de l’exploitant-mainteneur, de la remise des documents et informations en fin de contrat, du sort éventuel des salariés spécifiquement affectés aux opérations d’exploitation-maintenance, d’exclusion (notamment en cas de faute du maître d’ouvrage, de retrait des autorisations administratives, de mauvaise utilisation de l’installation) ou de limites de responsabilité de l’exploitant-mainteneur, de l’imprévision, du transfert du contrat.

A noter : une installation peut également être étendue pendant une exploitation-maintenance. Dans ce cas, certaines clauses spécifiques devront être insérées telles que les opérations d’interface, de coopération et d’interaction avec les entreprises en charge des opérations d’extension, l’éventuelle mise en œuvre d’un plan de sécurité, les nouvelles prestations liées aux nouveaux équipements, la date de début des prestations pour les nouveaux équipements, une augmentation du prix (sauf si le prix est basé sur un volume ou le chiffre d’affaires de l’exploitation par exemple), des éventuelles garanties et pénalités complémentaires. Il conviendra également d’informer les assureurs de l’intervention d’un tiers sur le site de l’exploitation.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris