La raison d'être et l'entreprise à mission (1835, L. 210-10, L. 210-12, R. 210-21, A. 210-1 et s.)
La “raison d’être” est “constituée des “principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité” (1835). L’entreprise à mission est une société commerciale qui dispose d’une raison d’être et qui a un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité (L. 210-10). Ces deux notions trouvent leur origine dans un rapport (N. Notat et J.-D. Senard, L’entreprise, objet d’un intérêt collectif, 2018).
A noter : la “raison d’être” était prévue initialement dans le projet de loi du Gouvernement relatif à la croissance et la transformation des entreprises (article 61) alors que l’entreprise à mission provient d’un amendement des députés (Assemblée nationale, amendement n° CS 165).
L’exposé du projet de loi explique que la “raison d’être” vise à rapprocher les chefs d’entreprise et les entreprises avec leur environnement de long terme. Le rapport « l’entreprise, objet d’intérêt collectif » réalisé par Jean‑Dominique Senard et Nicole Notat indique que la notion de raison d’être peut être définie « comme l’expression de ce qui est indispensable pour remplir l’objet social ». La raison d’être peut ainsi « avoir un usage stratégique, en fournissant un cadre pour les décisions les plus importantes ». À la manière « d’une devise pour un État, la raison d’être pour une entreprise est une indication, qui mérite d’être explicitée, sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés ». Ce projet d’article incite ainsi, sous la forme d’un effet d’entrainement, les sociétés à ne plus être guidées par une seule « raison d’avoir », mais également par une raison d’être, forme de doute existentiel fécond permettant de l’orienter vers une recherche du long terme”.
L’exposé des motifs de l’amendement sur l’“entreprise à mission” explique la volonté d’une “économie responsable, conciliant le but lucratif et la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux.” L’entreprise à mission est définie comme un “cadre juridique dédié pour organiser la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux par des sociétés lucratives”. pour “éviter la mise en danger du patrimoine naturel et des droits humains”. Ce statut offrirait “l’avantage d’une stabilité des engagements de l’entreprise”. La définition d’une mission “protègerait ainsi le dirigeant d’un revirement actionnarial, accroîtrait la crédibilité des entreprises concernées et serait source d’efficacité en offrant au dirigeant une latitude de gestion tout en préservant un contrôle de son action”
La “raison d’être” permet d’accéder à l’entreprise à mission. Sans raison d’être, il ne peut y avoir une entreprise à mission. Il s’agit donc d’abord d’une condition sine qua non, mais non suffisante. Le premier étage de la fusée.
Une fois la société dotée d’une “raison d’être”, il convient alors, pour accéder au statut d’entreprise à mission d’entreprendre les actions suivantes.
La société (ses associés) doit préciser dans les statuts (si ce n’est déjà fait avec la raison d’être) un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.
A noter : on retrouve les enjeux sociaux et environnementaux à l’article 1833 du code civil.
Les statuts précisent aussi les modalités du suivi de l'exécution de la mission. Ces modalités prévoient qu'un comité de mission, distinct des organes sociaux, devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, à l'assemblée chargée de l'approbation des comptes de la société.
A noter : Une société qui emploie au cours de l'exercice moins de cinquante salariés permanents peut prévoir dans ses statuts qu'un référent de mission se substitue au comité de mission. Le référent de mission peut être un salarié de la société, à condition que son contrat de travail corresponde à un emploi effectif (L. 210-12).
L'exécution des objectifs sociaux et environnementaux fait l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport précité et est publié sur le site internet de la société et demeure accessible publiquement au moins pendant cinq ans. Il procède, au moins tous les 2 ans (ou 3 ans à la demande de la société si elle dipose seulement d’un référent), à la vérification de l'exécution des objectifs. La première vérification a lieu dans les 18 mois (ou 24 mois pour les sociétés disposant d’un référent) suivant la publication de la déclaration de la qualité de société à mission au registre du commerce et des sociétés. Sauf clause contraire des statuts de la société, cet organisme est désigné par l'organe en charge de la gestion, pour une durée initiale qui ne peut excéder six exercices. Cette désignation est renouvelable, dans la limite d'une durée totale de douze exercices.
A noter : L'organisme tiers indépendant est désigné parmi les organismes accrédités par le Comité français d'accréditation ou par tout autre organisme d'accréditation signataire de l'accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d'accréditation (R. 210-21).
A noter : pour les modalités de la mission de l'organisme (A. 210-1 et s.).
Enfin, la société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie au registre du commerce et des sociétés.
Avocat au barreau de Paris