Comment rédiger une clause de renonciation au statut des baux commerciaux ?
Question : comment rédiger une clause de renonciation au statut des baux commerciaux ?
Réponse : il convient d’abord de vérifier les conditions de fond avant de procéder à la rédaction et la signature de la clause de renonciation.
Rappel
Si le statut des baux commerciaux est très protecteur des droits du locataire ou “preneur” (car il lui confère ce que l’on a appelé la “propriété commerciale’ traduite par le droit au renouvellement ou à indemnité en cas d’éviction), il ne faut pas oublier qu’il peut aussi être invoqué par le propriétaire ou “bailleur” (en invoquant par exemple la durée minimum de 3 ans qui correspond aux périodes triennales à un preneur qui croyait être engagé pour une durée plus courte ou la possibilité de demander la révision du loyer). Le statut des baux commerciaux n’est donc pas qu’un statut applicable et favorable au preneur. La renonciation peut donc être faite aussi bien dans l’intérêt du bailleur que du preneur.
Conditions de fond
Il existe deux principes bien connus : le statut des baux commerciaux est un statut d’ordre public (qui protège donc certaines personnes) et un bénéficiaire ne peut renoncer à une disposition d’ordre public qu’une fois que le droit est entré dans son patrimoine c’est-à-dire une fois le “droit acquis”. La renonciation ne peut donc être ni antérieure à l’acquisition de ce droit ni concomitante. Elle est donc nécessairement postérieure et même parfois après l’expiration d’un certain délai.
Exemple : ainsi, après un bail de courte durée ou bail dit “dérogatoire” de l’article L. 145-5 du code de commerce (3 ans maximum), la renonciation ne pourrait pas intervenir le jour même ou le lendemain du jour où le preneur est laissé dans les lieux puisque l’article L. 145-5 du code de commerce, modifié par la loi n° 2014-626, impose un délai “d'un mois à compter de l'échéance”. Ce n’est donc que le lendemain de ce délai d’un mois que la renonciation pourra avoir lieu à peine de nullité.
A noter : un arrêt de la Cour de cassation semble indiquer que pour les baux de courte durée, il ne serait pas possible pour les parties de renoncer au statut des baux commerciaux dés lors que le cumul des baux de courte durée entre les mêmes parties pour le même fonds de commerce dépasse 3 ans (Cour de cassation, 22 octobre 2020, n° 19-20.443).
A noter : dans la mesure où le preneur est laissé dans les lieux, il peut demander à tout moment à voir reconnaître le bail commercial (état de fait), l’action n’étant pas soumise au délai de prescription biennale mais est imprescriptible (Cour de cassation, 25 mai 2023, n° 21-23.007).
A noter : attention !, lorsque les parties décident de donner un effet rétroactif à la date d’effet du bail commercial et que le bail comporte une clause de renonciation au droit au renouvellement, il convient que la date de l’effet rétroactif soit antérieure à la date à laquelle le renonçant disposait du droit au renouvellement (pour un exemple : bail de courte durée de 2 ans conclu le 2 mai 2006, puis bail commercial signé le 7 avril 2010 avec effet rétroactif au 2 mai 2006, la clause de renonciation au droit au renouvellement est déclarée non écrite car le 2 mai 2006 le preneur ne disposait pas encore de la capacité à pouvoir renoncer à un droit d’ordre public : Cour de cassation, 21 avril 2022, n° 21-10.375 et rectification d’une erreur matérielle 23 novembre 2022, n° 21-10.375).
Condition de forme
La renonciation doit être claire et non équivoque. Il est donc recommandé que la clause stipule expressément la renonciation au statut des baux commerciaux.
Conseil de rédaction : si la jurisprudence fait expressément référence aux termes “statut des baux commerciaux” (voir par exemple, Cour de cassation, 8 juin 2017, n° 16-24045 ), il est préférable de viser les dispositions de ce statut. Certains (y compris la Cour de cassation) visent les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Toutefois, il est plus rigoureux de viser plutôt le chapitre du code de commerce. En effet, après l’article L. 145-1, on trouve l’article L. 145-5 qui justement est une dérogation au statut des baux commerciaux. Or, la rédaction de l’article L. 145-5 prévoit expressément que les “Les parties peuvent […] déroger aux dispositions du présent chapitre”. C’est donc bien le chapitre qu’il est préférable de viser, plus précisément “le chapitre V (Du bail commercial), du titre IV (Du fonds de commerce) du Livre Ier (Du commerce en général) du code de commerce”.
Pour donner plus de sécurité à la renonciation, c’est-à-dire, à la preuve que le renonçant savait ce à quoi il renonçait, il est également recommandé de lister les principaux droits auxquels la personne renonce dont nous donnons ici une liste non exhaustive.
Droits fondamentaux : pour le preneur on peut citer les articles L. 145-8 du code de commerce qui prévoit le droit au renouvellement par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux et L. 145-14 du code de commerce qui prévoit que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail en payant au locataire évincé, sauf exceptions légales, une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Pour le bailleur on peut citer l’article L. 145-4 du code de commerce qui prévoit que le preneur ne peut donner congé qu’à l’expiration d’une période triennale .
Autres droits : pour le preneur on peut citer les articles L. 145-4 du code de commerce qui prévoit que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, L. 145-9 du code de commerce qui prévoit que le bail ne cesse que par l’effet d’un congé avec préavis, à défaut le bail se prolongeant tacitement au-delà du terme fixé par le contrat et que le preneur peut signifier au bailleur une demande de renouvellement de son bail, L. 145-16 du code de commerce qui répute non écrite, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du statut des baux commerciaux à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise, L. 145-33 du code de commerce qui prévoit que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, L. 145-37 du code de commerce qui prévoit que les loyers peuvent être révisés à la demande du locataire dans certaines conditions, L. 145-45 du code de commerce qui prévoit que le redressement et la liquidation judiciaires n'entraînent pas, de plein droit, la résiliation du bail, L. 145-47 du code de commerce qui prévoit que le locataire peut adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.
Pour le bailleur on peut citer les articles L. 145-4 du code de commerce qui prévoit que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, L. 145-9 du code de commerce qui prévoit que le bail ne cesse que par l’effet d’un congé avec préavis, à défaut le bail se prolongeant tacitement au-delà du terme fixé par le contrat, L. 145-11 du code de commerce qui prévoit, en cas de renouvèlement, que le bailleur peut obtenir une modification du prix du bail, L. 145-31 qui interdit toute sous-location totale ou partielle ou prévoit que le locataire appelle le propriétaire à concourir à l’acte après l’avoir informé de son intention en cas de sous-location autorisée et que le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation du loyer lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, L. 145-33 du code de commerce qui prévoit que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, L. 145-37 du code de commerce qui prévoit que les loyers peuvent être révisés à la demande du propriétaire dans certaines conditions.
Enfin, il est aussi recommandé de bilatéraliser la renonciation (c’est-à-dire que c’est le preneur et le bailleur qui renoncent tous deux au statut des baux commerciaux et non pas seulement l’un ou l’autre) pour trois raisons. En faisant renoncer l’une des parties seulement, il pourrait être considéré que l’autre partie n’ayant pas renoncé elle pourrait toujours invoquer le statut des baux commerciaux. Par ailleurs, en faisant renoncer les deux parties, cela évite de soulever la question de l’intérêt pour une partie de renoncer à un statut très protecteur qui pourrait alors être interprété comme un acte anormal ou une faute de gestion. Enfin, en faisant renoncer les deux parties, d’autant plus si on liste les droits de chacune des parties auxquels elle renonce, il serait alors possible, pour renforcer l’efficacité de la renonciation, de considérer que les parties se font des concessions réciproques et, ainsi, de considérer que la renonciation à un effet transactionnel (article 2044 et suivant) permettant d’éteindre tout droit d’action en justice (à invoquer le statut des baux commerciaux) ou de créer un moyen d’irrecevabilité de cette action devant toute juridiction (judiciaire ou arbitrale) c’est-à-dire une fin de non-recevoir (article 122).
Avocat au barreau de Paris