A quelle assemblée le rapport complémentaire en cas de délégation de compétence ou de pouvoirs doit-il être porté à la connaissance des actionnaires (L. 225-129-5, L. 225-135) ?

Question pratique : à quelle assemblée (ou décisions des associés) doit être remis le rapport complémentaire des organes de direction lorsque les actionnaires ou associés ont délégué leur compétence pour l’émission d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital ?

Réponse : même si l’intention des auteurs du texte était vraisemblablement de viser l’assemblée générale ordinaire annuelle, le texte ne faisant aucune distinction, le rapport complémentaire doit être porté à la connaissance des actionnaires ou associés lors de la première assemblée générale ordinaire qui suit sa rédaction qui n’est pas nécessairement l’assemblée générale ordinaire annuelle (ou pour les sociétés par actions simplifiée, au cours des premières décisions des associés qualifiées d’“ordinaires” ou au cours des premières décisions des associés si elles n’ont pas de distinction entre “ordinaires” et “extraordinaires”).

Explications : l’article L. 225-129-5 du code de commerce dispose que “Lorsqu'il est fait usage des délégations prévues aux articles L. 225-129-1 et L. 225-129-2, le conseil d'administration ou le directoire établit un rapport complémentaire à l'assemblée générale ordinaire suivante dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. “. Le texte vise-t-il n’importe quelle assemblée générale ordinaire (termes rappelons-le utilisés uniquement pour les sociétés anonymes) ou vise-t-il précisément l’assemblée générale ordinaire annuelle de l’article L. 225-100, c’est-à-dire celle à laquelle est soumise notamment les comptes annuels et le rapport de gestion ? Contrairement à l’article L. 225-148, le texte ne vise pas la “première assemblée générale ordinaire qui suit l'émission”. Même si les textes ne le précisent pas, il peut y avoir en effet des assemblées générales ordinaires autres qu’annuelles que la pratique distingue des assemblées annuelles en indiquant qu’elles “sont convoquées extraordinairement” (créant dans l’esprit des non-juristes une belle confusion avec les assemblées générales extraordinaires).

L’article L. 225-129-5 a été créé par l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales. Malheureusement le rapport au Président de la République n’apporte aucune réponse à la question. Un article de l’ordonnance précitée pourrait cependant donner un début de réponse. L’article 64 situé dans le titre sur les “Dispositions transitoires” vise en effet expressément l’article L. 225-129-5 du code de commerce lequel entre “en vigueur pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2004”. Pourquoi avoir fait référence à l’ouverture des exercices si ce n’est pour viser les assemblées générales ordinaires annuelles qui sont appelées à se prononcer sur un exercice ?

Toutefois, à la lecture des textes, notamment de l’article précité L. 225-100 du code de commerce, celui-ci ne mentionne pas expressément le rapport complémentaire de l’article L. 225-129-5 du même code. Par ailleurs, l’article R. 225-116 du code de commerce pris en application de l’article L. 225-129-5 précise clairement que le rapport complémentaire (ainsi que celui du commissaire aux comptes) est “porté[…] à [la] connaissance [des actionnaires] à la plus prochaine assemblée générale”.

En conclusion, si l’on se réfère à l’intention des auteurs de l’ordonnance, l’assemblée qui était visée était vraisemblablement l’assemblée générale ordinaire annuelle mais, selon la maxime “là où la loi ne distingue pas, on ne doit pas distinguer” (“Ubi lex non distinguit” en abrégé pour les latinistes), le rapport doit être présenté à la première assemblée générale ordinaire qui suit l’adoption du rapport complémentaire. Nous indiquons “doit” car le non-remise de ce rapport fait partie des cas pouvant donner lieu à une injonction sous astreinte ou la désignation judiciaire d’un mandataire (L. 238-1 du code de commerce), il ne s’agit donc pas d’une option discrétionnaire.

Cette interprétation vaut aussi pour l’article L. 225-135 du code de commerce relatif aux augmentations de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription (qui renvoie à l’article L. 225-129-5).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris