Faut-il nécessairement un commissaire aux comptes pour distribuer un acompte sur dividende (L. 232-12) ?

Question d’un client : une société (commerciale) qui n’est pas obligée de désigner un commissaire aux comptes doit-elle en désigner un si elle souhaite distribuer un acompte sur dividendes ?

Réponse : oui, cette désignation temporaire pouvant se faire par les dirigeants et pas nécessairement par les actionnaires ou associés, sa mission prenant fin par la remise de son rapport. A noter que les sociétés qui disposent d’un commissaire aux comptes ne sont pas nécessairement tenues de choisir leur commissaire aux comptes (ou leurs co-commissaires aux comptes), celles-ci pouvant désigner un autre commissaire aux comptes.

La loi Pacte (loi n° 2019-486) contrairement à d’autres articles du code de commerce, n’est pas venue modifier cette interprétation. En revanche, on peut se demander si les dirigeants sont toujours l’organe habilité à nommer le commissaire aux comptes, la loi Pacte ayant renvoyée la compétence aux associés pour les nouvelles nominations ad hoc qu’elle a instituée (voir notre article Comprendre en une minute la réforme de la loi Pacte (2019-486) sur le rôle des commissaires aux comptes dans les sociétés par actions).

Explications : l’article L. 232-12 du code de commerce dispose que “lorsqu'un bilan établi au cours ou à la fin de l'exercice et certifié par un commissaire aux comptes fait apparaître que la société, depuis la clôture de l'exercice précédent […] a réalisé un bénéfice, il peut être distribué des acomptes sur dividendes avant l'approbation des comptes de l'exercice.”

Une société qui n’est pas tenue de désigner un commissaire aux comptes (non soumise au contrôle légal des comptes) et qui n’en a pas désigné un, peut-elle tout de même distribuer un acompte sur dividende ?

La commission des études juridiques de la Compagnie national des commissaires aux comptes (CNCC) distingue deux hypothèses (Bulletin CNCC, n° 156, décembre 2009, p. 700 à 704). Lorsque le texte prévoit l'intervention « du ou des » commissaires aux comptes (article défini), il doit s'entendre des commissaires aux comptes en place dans la société dans le cadre de leur mission légale et les dispositions relatives aux commissaires aux comptes ne trouvent pas à s'appliquer aux sociétés non soumises au contrôle légal. Tel est le cas pour : les augmentations de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription (c. com. art. L. 225-135 et R. 225-114), les transformations (c. com. art. L. 225-244), les réductions de capital (c. com. art. L. 225-204), les augmentations de capital libérées par compensation de créances (c. com. art. L. 225-146 et R. 225-134), les options de souscription ou d'achat d'actions (c. com. art. L. 225-177), les attributions d'actions gratuites (c. com. art. L. 225-197), les opérations sur actions de préférence (c. com. art. L. 228-12 et L. 228-19), les émissions de valeurs mobilières (c. com. art. L. 228-92). Lorsque le texte prévoit l'intervention d'« un » commissaire aux comptes (article indéfini), la désignation d'un commissaire aux comptes pour la réalisation de l'opération visée est obligatoire. Tel est le cas pour la distribution d'un acompte sur dividende (c. com. art. L. 232-12). La commission de la CNCC note que l'Association nationale des sociétés par actions retient une interprétation différente en se fondant sur la distinction entre la réglementation spécifique aux sociétés par actions simplifiées et les dispositions communes à l'ensemble des sociétés commerciales : seules les dispositions spécifiques aux sociétés anonymes prévoyant l'intervention d'un commissaire aux comptes ne sont pas applicables aux sociétés par actions simplifiées. Les dispositions communes à l'ensemble des sociétés commerciales leur sont en revanche applicables, comme par exemple l'intervention du commissaire aux comptes pour l'émission d'obligations convertibles en actions (ANSA, réunion du 3 décembre 2008). La position de la CNCC a été confirmée récemment dans un nouvel avis de la commission des études juridiques (Bulletin CNCC n° 176, décembre 2014, § 126, p. 612 et suivantes).

La désignation d’un commissaire aux comptes serait donc nécessaire pour pouvoir distribuer un acompte sur dividendes. En l’absence de textes particuliers, la CNCC indique que cette désignation peut se faire par les dirigeants (CNCC, norme NI-XII, Le commissaire aux comptes et les opérations relatives aux dividendes, § 2.11, p. 19) et non pas nécessairement par les actionnaire sou les associés comme il est prévu par l’article L. 823-1 du code de commerce. Le commissaire aux comptes est choisi parmi les commissaires aux comptes inscrits sur la liste établie par le Haut commissariat aux comptes (L. 822-1 du code de commerce). Il s’agit d’une intervention (et non d’un mandat) qui prend fin avec la remise de son rapport (le commissaire aux comptes n’étant pas désigné pour six exercices comme le prévoit l’article L. 823-3 du code de commerce).

A noter que les sociétés qui disposent d’un commissaire aux comptes ne sont pas nécessairement tenue de choisir leur commissaire aux comptes, celles-ci pouvant désigner un autre commissaire aux comptes (CNCC, norme NI-XII, précité, § 2.12, p. 19). Cette solution peut être intéressante lorsqu’il y a un co-commissariat aux comptes pour simplifier les opérations (car dans ce cas, la CNCC recommande de désigner le “collège des commissaires aux comptes”).

Rappelons que, bien que l’article L. 232-12 du code de commerce se réfère à la certification par le commissaire aux comptes du bilan intermédiaire établi pour justifier de l’existence d’un bénéfice, il ne s’agit pas à proprement parler d’une certification comme on l’entend pour les comptes annuels. En effet, le commissaire aux comptes se borne à remettre un rapport certifiant que “le bénéfice distribuable est au moins égal au montant des acomptes envisagés” (CNCC, norme NI-XII, précité, § 2.2 et 3.3).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris