Le casse-tête des formalités de la fusion simplifiée (SAS)
Question d’un client : quelles sont les formalités à effectuer dans le cadre d’une fusion simplifiée de sociétés par actions simplifiées (filiale détenue à 100 %) ?
Réponse : les formalités sont de deux ordres : celles préalables à la fusion et celles postérieures à la fusion, la question de l’enregistrement (même s’il est devenu gratuit) soulevant une problématique particulière.
! Attention ! Entrée en vigueur de l’ordonnance n° n° 2023-393 renumérotant les articles du code de commerce sur les fusions (voir notre article), cet article n’a pas encore été mis à jour.
Formalités préalables à la fusion
Formalités nécessaires pour la réalisation de la fusion
Préalablement à la fusion, il existe deux formalités nécessaires pour faire courir le délai de 30 jours au terme duquel la fusion simplifiée prendra effet (article R. 236-2 du code de commerce).
La formalité du dépôt du projet de traité de fusion auprès du ou des greffes tenant le registre du commerce et des sociétés dont dépend la société absorbante et dont dépend la société absorbée (articles L. 236-6 et R. 123-102 du code de commerce) et la publicité par annonce dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) via une demande faite en ce sens auprès du ou des greffes précités (articles L. 236-6 et R. 236-2 du code de commerce).
A noter : il est possible de substituer à la publication au Bodacc une insertion sur le site internet de la société absorbée et/ou absorbante (R. 236-2-1). La difficulté de cette faculté est son mode de preuve. L’insertion doit en effet être ininterrrompue pendant 30 jours avant la date d’effet souhaitée de la fusion. Mais comment le prouver en cas de contestation d’un créancier (constat d’huissier au début, au milieu et à la fin de la période, attestation de l’informaticien, etc.) ? Autre risque : lorsque le site internet n'est plus accessible pendant une période ininterrompue d'au moins 24 heures, le projet de fusion fait l'objet d'un avis publié au Bodacc (on revient à la case départ). Le délai de 30 jours est alors suspendu jusqu'à cette publication ce qui peut considérablement retarder l’opération.
Autres opérations préalables : mettre à jour les informations concernant la société absorbée au registre du commerce et des sociétés si cela n’a pas été fait au préalable, à savoir faire mentionner que la société est une société unipersonnelle (à associé unique) et/ou mettre à jour le registre des bénéficiaires effectifs.
Formalités d’information préalable des associés
Par ailleurs, un certain nombre de documents doit être mis à la disposition des associés (de la société absorbante) 30 jours au moins avant la date de réalisation de l’opération de fusion quand bien même aucune décision des associés ne serait prise (article R. 236-3 du code de commerce).
A noter : la mise à disposition de ces documents est une condition de l’absence de décision de la collectivité des associés de la société absorbante (voir directive 2011/35/UE, article 8, b).
A noter : lorsque le traité de fusion est signé plus de six mois après la clôture du dernier exercice un « état comptable [doit être] établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel, arrêté à une date qui […] doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet […] ». Cette obligation est issu d’un décret de 1988 (258) adopté après la loi de 1988 qui a introduit les fusions simplifiées. Donc on peut penser que le pouvoir réglementaire a imposé cette obligation en connaissance de cause (malgré l’absence de rapport d’échange).
Cet état comptable ne correspond pas à des comptes sociaux. Le Comité des normes professionnelles du CNCC considère que « la loi n'impose effectivement pas un contenu plus développé ni l'établissement de comptes intermédiaires », et que « l'établissement d'un état comptable se présentant sous la forme d'un bilan, qui comporterait les mêmes rubriques que le bilan de clôture de l'exercice précédent et dans lequel les écritures d'arrêté seraient passées, ne constitue pas une irrégularité » (Bull CNCC, sept. 2012, n° 167, § 87).
Cet état concerne à la fois la société absorbée (permet d’évaluer l’actif net apporté et donc les conséquences sur le patrimoine de l’absorbante) mais également la société absorbante (permet à notre sens aux associés d’appréhender la situation de la société absorbante et donc l’impact de la fusion, c’est-à-dire la réception du patrimoine de la société absorbée, sur le patrimoine de la société absorbante).
L’absence d’état comptable pourrait permettre à un associé de la société absorbante d’agir sur le fondement du “dol” pour remettre en cause l’opération (dans le délai de prescription abrégé de 6 mois prévu à l’article L. 235-9 du code de commerce sans oublier toutefois la perpétuité de l’exception de nullité).
Formalités postérieures à la fusion
Formalités d’enregistrement
C’est sans doute la formalité qui aujourd’hui soulève le plus de problématique. En effet, l’article 816 du code général des impôts dispose que (mis en gras par nous) : “Les actes qui constatent des opérations de fusion auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés, ainsi que la prise en charge du passif dont sont grevés les apports mentionnés dans ces actes, sont enregistrés gratuitement. “. Traditionnellement, pour les fusions simplifiées, la déclaration de conformité (articles L. 236-6 et R. 236-4 du code de commerce) était enregistrée. Mais depuis 2014 (même si certains contestaient cette interprétation), une telle déclaration n’est requise que pour les sociétés anonymes (cette interprétation est confirmée aujourd’hui par la loi Pacte (2019-486) dont l’article 101, 2° a modifié l’article L. 227-1 du code de commerce).
Quel acte constate donc aujourd’hui une fusion simplifiée pour les SAS ? Faut-il prendre une décision spéciale du président aux fins d’enregistrement (décision prévue par aucune disposition) ?
A noter : la pratique tend à enregistrer le traité de fusion. Cette pratique nous parait acceptable pour un traité stipulant un effet différé car c’est bien alors l’acte qui constate la réalisation. Dans les autres cas, cette pratique pourrait être sujette à discussion puisque c’est la fin du délai d’opposition qui court à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales qui marque la réalisation de l’opération.
Modèle : voici un modèle de lettre d’envoi de l’acte au service départemental de l’enregistrement “Par lettre recommandée avec AR n° numéro. Objet : enregistrement acte constatant une fusion (CGI, 816). Madame, Monsieur, Nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint en lettres (en chiffres) exemplaires originaux de l’acte constatant les opérations de fusion auxquelles participent exclusivement des personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés, à savoir [le traité de fusion entre dénomination et dénomination en date du date qui stipule une date d’effet différée au date minuit (article numéro)], aux fins d’enregistrement gratis conformément aux dispositions de l’article 816 du code général des impôts. Nous vous remercions de bien vouloir nous retourner [un exemplaire enregistré] à notre attention. Formule de politesse usuelle. p.j. : nombre originaux”.
Si les actes constatant les fusions ne donnent plus lieu à droit d’enregistrement depuis le 1er janvier 2019, le “défaut de production dans les délais prescrits d'un document qui doit être remis à l'administration fiscale […] entraîne l'application d'une amende de 150 €” (article 1729 B du code général des impôts). Mais une telle formalité n’est-elle pas en contradiction avec le souhait du législateur de simplifier les opérations de fusion ? Le Bulletin officiel des impôts ne donne malheureusement pas de réponse à cette question.
A noter : le délai d’un mois prévu par l’article 635 du code général des impôts (voir Bulletin officiel des impôts, BOI-ENR-AVS-20-60-40, § 130) ne mentionnant plus la dissolution de la société et l’opération de fusion simplifiée n’entraînant pas d’augmentation de capital, il n’y aurait plus légalement de délai pour enregistrer les actes de fusions.
Formalités de publicité
Le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés a rendu un avis en 2015 permettant de déterminer quelles sont les formalités attendues par les greffiers des registres du commerce et des sociétés pour les formalités de fusion simplifiée de SAS.
Pour la société absorbante et la société absorbée, il convient de procéder à une formalité d’inscription modificative consistant à déposer les formulaires M2 et M’ (la modification consiste, sur le fondement du 3° de l’article R. 123-69 du code de commerce, à inscrire l’énonciation des sociétés ayant participé à l’opération de fusion : encadré 7 du formulaire M2). Cette formalité avait déjà été rappelée par le comité de coordination dans un avis de 2000. La formulaire M’ permet de renseigner les sociétés concernées. Cette formalité fera l’objet d’une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales par l’intermédiaire des greffes concernés (articles R. 123-159 et R. 123-161 du code de commerce). N’oubliez pas d’accompagner votre demande d’un extrait K-bis de moins de trois mois de la société mentionnée sur le formulaire M’ ainsi qu’une procuration si le signataire du formulaire n’est pas le représentant légal (au risque de voir votre formalité rejetée)
Pour la société absorbée, une demande de radiation via le formulaire M4 accompagné, le cas échéant, d’une procuration si le signataire du formulaire n’est pas le représentant légal. La radiation donnera lieu à une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales par l’intermédiaire du greffe concerné (articles R. 123-160 et R. 123-161 du code de commerce).
Avocat au barreau de Paris
Voir également nos autres articles sur les fusions : Le casse-tête des formalités de la fusion simplifiée (SAS) ; Est-il possible d'exclure des passifs dans une fusion (L. 236-3) ? ; Fusion simplifiée entre sociétés par actions : les opérations préalables à vérifier ou à réaliser (L. 236-11) ; Les fusions entre sociétés par actions et sociétés civiles (1844-4, 1854-1, L. 236-11) ; Les délais d'opposition : réduction de capital, fusion, scission, TUP, fonds de commerce (L. 223-34, L. 225-205, L. 236-14, L. 236-21, 1844-5, L. 141-12) ; Fusion entre société par actions et société civile : faut-il désigner un commissaire à la fusion ou aux apports (L. 236-10, L. 225-147) ? ; Fusions entre sociétés civiles (SCI et autres) : revue des spécificités et débats sur la fusion simplifiée (C. civ., 1844-4, 1854-1) ; Fusion-absorption : parité d'échange, augmentation de capital, prime, boni et mali de fusion (pratique et calculs) ; Une fusion à l'envers peut-elle bénéficier du régime des fusions simplifiées (1854-1, L. 236-11, L. 236-12, L. 236-23) ? ; Fusion et scission : opposition des créanciers, que signifie l'inopposabilité de l'opération ? (C. com., L. 236-15, L. 236-24, L. 236-26) ; La réforme du régime des fusions, scissions et apports partiels d'actifs (O. 2023-393, d. 2023-430, C. com., L. 236-1 et s., R. 236-1 et s.) ; Le régime des fusions applicable selon la forme des sociétés participantes (SARL, SAS, SA, SCI, SNC, société en commandite simple ou par actions)