La date d'effet exacte de la transmission universelle de patrimoine (TUP) et de la disparition de la personne morale (1844-5, al. 3)

Question d’un client : quelle est la date d’effet exacte de la transmission universelle du patrimoine et donc de la disparition de la personne morale par suite d’une dissolution sans liquidation (TUP) décidée par l’associé unique en application de l’alinéa 3 de l’article 1844-5 du code civil ?

Réponse : en l’absence d’opposition régulière, la transmission prend effet le dernier jour ouvrable à minuit (jour autre qu’un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé) du délai de 30 jours démarrant le lendemain de l’avis de publication (soit le premier jour 0 heure suivant ce jour).

Covid-19 : l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 qui étend les délais légaux un mois après le confinement n’impacterait pas le délai d’opposition des créanciers selon une note du ministère de la Justice (sous la réserve habituelle de l’interprétation souveraine des tribunaux) “confirmée” par l’ordonnance n° 2020-666 du 3 juin 2020. Sur les conséquences pratiques, voir notre article sur les formalités consécutives à une transmission universelle de patrimoine.

Explications : aux termes de l’alinéa 3 de l’article 1844-5 du code civil, “La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.”

Selon le même article, “Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci”. L’article 8 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 relatif à l'application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil dispose (jusqu’au 30 septembre 2024) que “Le délai d'opposition prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil court à compter de la publication de la dissolution faite, en application de l'article 287 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales [R. 210-9], dans un journal habilité à recevoir les annonces légales.” et (à compter du 1er octobre 2024) que “Le délai d'opposition prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil court à compter de la publication de la dissolution faite au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.”

A noter (jusqu’au 30 septembre 2024) : c’est la dernière des dates figurant sur le journal d’annonces légales qu’il faut prendre en compte. Exemple : si le numéro du journal est daté des 5-6 janvier c’est la date du 6 janvier dont il faut tenir compte.

Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 641 du code de procédure civil “Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas”. Le calcul se fait donc à compter du lendemain de la date de publication.

Exemple : dans notre premier exemple (numéro du journal daté des 5-6 janvier), la date est donc le 7 janvier.

Par ailleurs, en application de l’article 642 du code de procédure civile “Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.” (voir également l’article 3 de la convention européenne sur la computation des délais du Conseil de l’Europe du 16 mai 1972 signée mais non ratifiée par la France).

Exemple : dans notre exemple (numéro du journal daté des 5-6 janvier, date du début de la période le 7 janvier) la date d’expiration sera le 5 février à 24 heures.

Toutefois, poursuit l’article 642 précité “Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant”. Les jours fériés sont déterminés en fonction des fêtes légales visées à l’article L. 3133-1 du code du travail. Le 1er mai est le seul jour obligatoirement chômé au sens du code du travail (L. 3133-4).

Exemple : dans notre exemple (numéro du journal daté des 5-6 janvier, date du début de la période le 7 janvier) si la date d’expiration est le 5 février mais que le 5 février est un samedi, le délai expire le premier lundi qui suit (si ce n’est pas un jour férié ou chômé), soit le 7 février à 24 heures. Si le 5 février est un dimanche, le délai expire le premier lundi qui suit (si ce n’est pas un jour férié ou chômé), soit le 6 février à 24 heures.

Exemple : si par exemple le délai expirait le 1er mai (jour férié et chômé) et que le 1er mai est un vendredi, alors le délai d’opposition expirerait le premier lundi qui suit, soit le lundi 4 mai 24 heures dans notre exemple.

Exemple : si le délai expierait le 14 juillet (jour férié) et que le 14 juillet est un mercredi, alors le délai d’opposition expirerait le jeudi 15 juillet à 24 heures.

La transmission universelle du patrimoine prend donc effet le lendemain 0 heure du dernier jour ouvrable du délai de 30 jours (en ce sens avis du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés n° 2012-026).

A noter : dans la mesure où, en théorie, une opposition peut être faite jusqu’à 24 heures et s’il était possible d’horodater l’opposition, la transmission universelle de patrimoine prendrait donc effet “à l’issue” du délai, soit le lendemain 0 heure en l’absence d’opposition.

Exemple : dans notre exemple, à supposer que le dernier jour n’est pas un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, la transmission universelle du patrimoine prendrait effet le 6 février à 0 heure.

Mais un arrêt de cour d’appel estime que le transfert intervient aux date et heure de l’expiration du délai (cour d’appel de Paris, pole 5, chambre 8, 12 janvier 2010, n° 09-13548 : "Considérant qu'il n'est pas contesté que le délai de trente jours a commencé à courir en l'espèce le 1er mars 2008, pour expirer normalement le trentième jour à minuit, en vertu de l'article 642 du code de procédure civile ; que s'agissant en l'occurrence du dimanche 30 mars 2008, le délai pour faire opposition s'est trouvé prorogé, par application du même texte, jusqu'au premier jour ouvrable suivant de sorte qu'il s'est achevé le lundi 31 mars 2008 à minuit ; qu'il s'ensuit que, conformément aux dispositions de l'article 1844-5 du code civil, c'est à ces date et heure qu'est intervenu le transfert du patrimoine de la société […] ; que les ordonnances déférées doivent être infirmées ;”)

Exemple : dans notre exemple, à supposer que le dernier jour n’est pas un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, la transmission universelle du patrimoine prendrait effet le 5 février à 24 heures.

A noter : l’administration fiscale distinguait (Instruction du 7 juillet 2003 de la DGI relative à l'impôt sur les sociétés, § 26) la date de réalisation de l’opération (le dernier jour du délai d’opposition) de la date de transmission universelle du patrimoine (qui intervient le lendemain du dernier jour du délai d’opposition). Il semble que cette distinction ait été abandonnée et que celle-ci considère que l’opération produit ses effets le lendemain du dernier jour d’opposition (BOI-IS-FUS-40-40, §. 120).

La pratique tend à suivre la position de la cour d’appel de Paris notamment pour les transmissions universelles de patrimoine de fin d’année devant prendre effet le 31 décembre. C’est la raison pour laquelle la date d’effet exacte est importante en terme de comptabilité (indépendance des exercices) ainsi qu’en terme fiscal (certains impôts prenant effet au 1er janvier). Elle l’est aussi pour les formalités (quelle date indiquer ?).

A noter : en cas d’oppositions, la transmission intervient lorsque le jour où opposition a été réglée c’est-à-dire (au vu de la décision du tribunal) : soit le jour où la créance a été remboursée, où les garanties ont été constituées ou l’opposition a été rejetée.

A noter : la date de radiation de la société (voir notre article sur les formalités consécutives à une transmission universelle de patrimoine) n’est pas la date de disparition de la personne morale (c’est la date d’effet de la transmission universelle). En effet, la radiation n’est qu’une opération “technique” (voir notre article sur ce sujet).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris