Les formalités de la dissolution sans liquidation dite "transmission universelle de patrimoine" ou "TUP" (1844-5, al. 3)
Question d’un client : quelles sont les formalités à réaliser dans le cadre d’une dissolution sans liquidation par réunion de toutes les parts ou actions plus connue sous le nom de “transmission universelle de patrimoine” ou “TUP” (1844-5, alinéa 3 du code civil) ?
Réponse : les formalités sont de plusieurs ordres.
Opérations préalables : mettre à jour les informations au registre du commerce et des sociétés si cela n’a pas été fait au préalable, à savoir faire mentionner que la société est une société unipersonnelle (à associé unique) et/ou mettre à jour le registre des bénéficiaires effectifs.
1° La publication
La première des formalités (et la plus importante car elle conditionne la réalisation de l’opération, voir notre article sur cette question) est la publication, jusqu’au 30 septembre 2024, dans un journal départemental habilité à recevoir des annonces légales (article 1844-5, alinéa 3 du code civil et article 8 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978) et, à compter du 1er octobre 2024, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (article 8 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 modifié par l’article 1er du décret n° 2024-751).
A noter (jusqu’au 30 septembre 2024) : Il s’agit bien entendu du département de la société qui va être dissoute (pas besoin d’effectuer une annonce dans le département de l’associé unique qui décide la TUP contrairement aux fusions simplifiées). Le coût est aux alentours de 250 €.
A noter (à compter du 1er octobre 2024) : pour passer une annonce au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales , il faut s’adresser au greffe du tribunal de commerce (R. 123-217, R. 123-159, R. 123-161) compétent (pour identifier le greffe, voir le site du ministère de la Justice)..
De manière assez surprenante, alors même que l’exposé du décret n° 2024-751 précise sans ambiguïté que “Le texte modifie en conséquence l'article 8 du décret n° 78-704 afin de rendre obligatoire la publication de la dissolution donnant lieu à une procédure de TUP au seul Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et non plus au sein d'un journal d'annonces légales, pour conforter la publicité donnée à la procédure et l'information des créanciers”, les greffes exigent, contra legem, également et préalablement, avant toute publication au Bodacc, une publication dans un .journal départemental habilité à recevoir des annonces légales, imposant ainsi une formalité et des frais complémentaires, aux motifs que le “sujet a été remonté à la chancellerie” et que “le Bodacc ne peut en aucun publier et rendre opposable une information non légalisée préalablement par le greffier”. Cette réponse est étonnante lorsque l’on sait que le même procédé est prévu, sans publication préalable dans un journal départemental habilité à recevoir des annonces légales, pour les fusions (articles L. 236-6 et R. 236-2 du code de commerce). Nous avons interrogé la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice (le ministre étant co-signataire du décret) pour comprendre cette interprétation non connue du publique (aucune instruction ou circulaire n’ayant, à notre connaissance, était publiée officiellement par un ministre sur cette question).
A noter : selon le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés, pour les sociétés civiles les oppositions se forment devant le tribunal de grande instance [tribunal judiciaire] et pour les sociétés commerciales les oppositions se forment devant le tribunal de commerce (avis CCRCS du 4 février 2014 n° 2014-002 réitéré par avis n° 2019-007 du 22 novembre 2019). Cela s’explique par ce que l’opposition est considérée comme “nécessairement une demande en justice” compte-tenu de la décision de justice qui doit en résulter (voir l’avis précité du CCRCS citant l’article 53 du code de procédure civile). Les modèles de publicité des annonceurs proposent donc l’option. A noter qu’il ne s’agit que d’un avis, certains auteurs estimant que le registre étant tenu par le greffier du tribunal de commerce (L. 123-6), seul ce greffier est habilité à délivrer des certificats de non-opposition (R. 123-75 issu de l’article 24 du décret 84-406 modifié par l’article 19 du décret 2005-77), aucun texte similaire ne se retrouvant dans le décret de 1978 (voir alors l’article 505 du code de procédure civile). Il serait donc recommandé dans la publicité de ne pas préciser auprès de quel tribunal l’opposition doit être faite (pour ne pas induire les tiers en erreur si la position du CCRCS était infirmée ultérieurement) d’autant que cette précision n’est exigée par aucun texte (notre recommandation a été depuis validée lors de formalités auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris par l’auteur de ces lignes).
2° L’enregistrement [Abandonné]
[Suite à cet article (?) où nous avions fait un renvoi au site du greffe du tribunal de commerce de Paris, depuis, certains greffes (dont le greffe de Paris, de Nanterre ou de Lyon par exemple) ont retiré, pourtant présente depuis de nombreuses années, l’exigence de présenter un acte enregistré. Il semble donc que cette formalité puisse enfin être abandonnée..
La déclaration doit ensuite être enregistrée . Cette formalité qui ne serait pas requise par le code général des impôts (voir Bulletin officiel des impôts, BOI-ENR-AVS-30-10-20120912, § 150 mais voir pourtant l’article 635 du code général des impôts qui vise la dissolution sans distinction et voir toutefois le cas des TUP transférant des immeubles) est nécessaire avant d’effectuer les formalités auprès du registre du commerce et des sociétés le greffe réclamant (à tort donc et vraisemblablement par mimétisme avec les dissolutions “classiques”) une déclaration de dissolution enregistrée (voir ci-après). Le coût de l’enregistrement est donc celui des actes innommés soit 125 € (article 680 du code général des impôts, cet enregistrement ne bénéficiant pas de la gratuité des dissolutions ne comportant aucune transmission de biens meubles ou immeubles).
Conseil : il est conseillé d’attendre le dernier moment (c’est-à-dire la date d’effet de la TUP) pour procéder à l’enregistrement de l’acte. En effet, si l’associé unique souhaitait finalement revenir sur la dissolution (voir notre article Une décision de dissolution volontaire est-elle définitive et irrévocable (dissolution avec liquidation, TUP, fusions simplifiées) ?), un enregistrement ne serait pas opportun en terme de coût et, le cas échant, d’effet (opposabilité irrévocable à l’administration fiscale?). Dans la mesure où il s’agit d’un enregistrement volontaire, il n’existe pas de risques de pénalité ou d’intérêt de retard.]
3° La dissolution
Il convient ensuite de déclarer la dissolution auprès du registre du commerce et des sociétés de la société qui va être dissoute. Pour cela vous aurez besoin de la déclaration de dissolution, de l’attestation de publication ou de la publication elle-même, du formulaire M2 (cocher les cases “dissolution” et “avec poursuite d’activité” et indiquer dans la case observations (encadré 20) l’identité de l’associé unique), et, si la formalité n’est pas effectuée par un dirigeant, d’une procuration spéciale pour les formalités (avec copie de la pièce d’identité du mandataire certifiée conforme). Le coût de la formalité est indiquée ici (Modification avec avis Bodacc et dépôt d’acte).
Conseil : vérifier avant de procéder à la formalité de dissolution que la société concernée, si elle a été pluripersonnelle, est bien indiquée comme étant à associé unique auprès du registre du commerce et des sociétés. A défaut, effectuer préalablement la formalité de modification du passage d’une société pluripersonnelle à une société unipersonnelle (formulaire M2 également).
4° Le certificat de non-opposition
Il conviendra ensuite de demander au greffe du tribunal compétent (commerce ou de grande instance [judiciaire]) dont relève la société qui va être dissoute un certificat de non-opposition (article R. 123-75, al. 4 du code de commerce pou le tribunal de commerce et article 505 du code de procédure civile pour le tribunal de grande instance [judiciaire]) puisque, comme on le sait, la TUP ne prend effet qu’à l’issue du délai d’opposition et en l’absence d’oppositions.
A noter : Il faut attendre à peu près deux ou trois jours après la fin du délai d’opposition pour obtenir le certificat auprès du greffe du tribunal de commerce (pour le calcul de ce délai voir notre article). En revanche, le délai peut être beaucoup plus long lorsque le certificat est délivré par le greffe du tribunal de grande instance [tribunal judiciaire].
A noter : l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 qui étend les délais légaux un mois après le confinement n’impacterait pas le délai d’opposition des créanciers selon une note du ministère de la Justice (sous la réserve habituelle de l’interprétation souveraine des tribunaux) “confirmée” par l’ordonnance n° 2020-666 du 3 juin 2020. On peut s’interroger, s’il ne serait pas opportun, pour toutes les opérations pour lesquelles le délai d’opposition expirait pendant la “période juridiquement protégée” (12 mars-24 juin 2020), soit d’attendre la fin du délai “prorogé” en appliquant les règles de l’ordonnance n° 2020-306 précitée pour demander le certificat de non-opposition soit de redemander après la fin de ce délai “prorogé” un certificat de non-opposition pour être certain qu’un tiers n’a pas enrôlé une opposition.
Le coût de l’obtention du certificat auprès du greffe du tribunal de commerce est indiqué ici (même tarif partout en France).
5° La radiation
Une fois le certificat de non-opposition obtenu, il conviendra enfin de déclarer la radiation de la société auprès du registre du commerce et des sociétés de la société qui à été dissoute. pour cela, vous aurez besoin de remplir le formulaire M4. Si le signataire du formulaire n’est pas un dirigeant, vous aurez également besoin d’une procuration signée d’un dirigeant (avec copie de la pièce d’identité du mandataire certifiée conforme). La coût de la formalité est indiquée ici (normalement 0 €).
A noter : petite subtilité qui a son importance. Dans la mesure où la société a “disparu”, ses organes de direction et de représentation aussi. La procuration pour la radiation doit donc être signée par le représentant légal de l’associé unique et non pas par l’ancien dirigeant (sauf s’il était également associé unique).
A noter : il n’est pas nécessaire de communiquer au greffier, en même temps que la demande de radiation, le certificat de non-opposition pour effectuer la formalité de radiation (voir avis du CCRCS du 30 mai 2012 n° 2012-019).
A savoir : il n’est pas nécessaire de déclarer préalablement la dissolution pour obtenir le certificat de non-opposition et les formalités de dissolution et de radiation peuvent être effectuées en même temps (c’est-à-dire déposées en même temps, mais elles ne sont pas “fusionnées”, il faut donc effectuer chacune de ces deux formalités comme il est indiqué ci-dessus).
Avocat au barreau de Paris