Quand doit-on nommer (désignation obligatoire) un commissaire aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) ? (MAJ : O. 2023-1142, D. 2024-152)
Question d’un client : quand doit-on nommer (désignation obligatoire) un commissaire aux comptes dans les sociétés par actions simplifiées (SAS ) ?
Réponse : outre l’obligation qui serait statutaire (1), il convient, pour les exercices clos à compter du 27 mai 2019 (article 20, II de la loi n° 2019-486), de distinguer deux cas. Soit la société ne fait pas partie d’un groupe (2), soit la société fait partie d’un groupe (3). La question du commissaire aux comptes suppléant sera également abordée (4).
Voir aussi notre article Les Assemblées (actionnaires, masse de porteurs d'obligations, OC, OCA, etc.) pendant l'état d'urgence sanitaire (Covid-19) et les règles de confinement (SARL, SA, SAS, etc.).
Nous ne visons pas dans cet article les désignations ad hoc (sur ce point, voir notre article La Loi Pacte (2019-486) et les opérations sur le capital des SAS (augmentation de capital, réduction de capital, stock-options, attribution gratuite d’actions, etc.) et Faut-il nécessairement un commissaire aux comptes pour distribuer un acompte sur dividende (L. 232-12) ?).
1. Les statuts stipulent une obligation de désigner un commissaire aux comptes
Les SAS dont les statuts stipuleraient expressément qu’un commissaire aux comptes doit être désigné sont tenues de le désigner sauf à modifier les statuts avant la fin de l’exercice au cours duquel le commissaire aux comptes doit être désigné ou renouvelé (avis de la commission des études juridiques de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, n° 2017-04, Bulletin n° 186, juin 2017).
A noter : si les statuts renvoient à la désignation “en application” des dispositions du code de commerce, la désignation ne serait pas obligatoire (avis du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés, n° 2018-014 , du 19 décembre 2018 ).
2. Les statuts ne stipulent pas une obligation de désigner un commissaire aux comptes et la société ne fait pas partie d’un groupe
(L. 227-9-1 du code de commerce)
Il faut distinguer la désignation obligatoire de la désignation sur demande.
La désignation obligatoire
Une société par actions simplifiée n’est tenue de désigner un commissaire aux comptes que si elle dépasse deux des seuils suivants : total du bilan, montant du chiffre d’affaires hors taxe et nombre moyen de salariés au cours de l’exercice. Ces seuils ont été modifiés à plusieurs reprises.
Seuils jusqu’au 26 mai 2019 (R. 227-1 R. 123-200 puis D. 123-200 du code de commerce) - Total du bilan : 1 000 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 2 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 20
Seuils depuis le 27 mai 2019 jusqu’au 29 février 2024 (D. 227-1, D. 221-5 et D. 123-200 du code de commerce) Total du bilan : 4 000 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 8 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 50
Seuil à compter du 1er mars 2024* (D. 227-1, D. 221-5 et D. 123-200 du code de commerce) Total du bilan : 5 000 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 10 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 50. (* s’applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, article 4 du décret n° 2024-152).
La désignation obligatoire sur demande
Mêmes si les conditions de seuils de désignation obligatoire ne sont pas remplies, un ou plusieurs associés représentant au moins un tiers du capital peut demander, en motivant sa demande, à la société de désigner un commissaire aux comptes (auquel cas le mandat est de 3 exercices comme expressément indiqué à l’article L. 227-9-1) ou représentant au moins le dixième du capital peut le demander en justice (auquel cas le mandat est de 6 exercices conformément aux articles L. 821-44 (anc. L. 823-3) et L. 821-46 (anc. L. 823-3-2).
3. Les statuts ne stipulent pas une obligation de désigner un commissaire aux comptes et la société fait partie d’un groupe
On vise ici le cas de sociétés qui sont contrôlées par une ou plusieurs sociétés ou entités et/ou qui contrôlent une ou plusieurs sociétés. Dans ce cas, il convient de distinguer deux hypothèses. Soit la société est tenue de publier des comptes consolidés soit elle n’est pas tenue de le faire.
La société est tenue de publier des comptes consolidés (les “grands groupes”)
Si la société est tenue de publier des comptes consolidés, elle doit désigner deux commissaires aux comptes (L. 823-41, anc. L. 823-2) du code de commerce). Les sociétés qui sont tenues de publier des comptes consolidés sont celles qui sont tenues de consolider leurs comptes. Ce sont donc les sociétés qui répondent aux critères de l’article L. 233-16 du code de commerce et qui ne bénéficient pas des exemptions prévues aux articles L. 233-17 et L. 233-19 du code de commerce (pour les seuils visés à l’article L. 233-17, 2°, voir R. 233-16). [A compter du 1er janvier 2025*, les règles seront également fixées par l’article L. 233-17 lequel exempte les petits groupes et groupes moyens visés à l’article L. 230-2 qui sont définis par l’article D. 230-1). (*article 33 de l'ordonnance n° 2023-1142).
La société n’est pas tenue de publier des comptes consolidés (les “petits groupes”)
Si la société n’est pas tenue de publier des comptes consolidés, alors la désignation n’est obligatoire que dans certains cas (L. 821-43, anc. L. 823-2-2 du code de commerce). Il faut là encore faire une distinction entre les sociétés qui contrôlent des sociétés (“sociétés contrôlantes”) et les sociétés qui sont contrôlées par des sociétés ou entités (“sociétés contrôlées”).
1° Les sociétés contrôlantes (la holding)
Les sociétés qui contrôlent des sociétés ne sont tenues de désigner un commissaire aux comptes que si l’ensemble (société contrôlante et sociétés contrôlées) dépasse deux des seuils suivants : total cumulé de leur bilan, montant cumulé de leur chiffre d'affaires hors taxes ou le nombre moyen cumulé de leurs salariés au cours d'un exercice (L. 821-43, anc. L. 823-2-2, alinéa 1 du code de commerce)
Seuils depuis le 27 mai 2019 jusqu’au 29 février 2024 (D. 823-1, D. 221-5 et D. 123-200 du code de commerce) Total du bilan : 4 000 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 8 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 50
Seuil à compter du 1er mars 2024* (D. 823-1, D. 221-5 et D. 123-200 du code de commerce) Total du bilan : 5 000 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 10 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 50. (* s’applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, article 4 du décret n° 2024-152).
Le total cumulé du bilan, le montant cumulé hors taxe du chiffre d'affaires et le nombre moyen cumulé de salariés sont déterminés en additionnant le total du bilan, le montant hors taxe du chiffre d'affaires et le nombre moyen de salariés définis conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article D. 123-200, des entités comprises dans l'ensemble.
A noter que la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) estime qu’il faut tenir compte également des sociétés contrôlées étrangères.
A noter que la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) estime que l’appréciation des seuils se fait au moment de l’arrêté des comptes d’un exercice peu important qu’après cet arrêté la composition du groupe ait ensuite été modifié.
Ainsi, si une société perd le contrôle de filiales et où sous-filiales avant la clôture, les seuils de ces sociétés ne seront pas pris en compte (Compagnie nationale des commissaires aux comptes, Étude juridique, 2020-17). En cas de perte de contrôle d’une société lors d’un exercice, il faut tenir de compte de la photographie du groupe lors de l’exercice précédant (donc avec l’ancienne filiale) pour calculer sur deux exercices les seuils (Etude juridique, 2022-38).
A noter que la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) estime qu’il faut tenir compte pour la détermination du contrôle de la détention par le nu-propriétaire et l’usufruitier des droits sociaux (les statuts stipulant que “le droit de vote attaché à l’action appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des résultats, où il est réservé à l’usufruitier”).
Le commissaire aux comptes peut alors être désigné pour trois exercices seulement (L. 821-46, anc. L. 823-3-2).
2° Les sociétés contrôlées (les sous-holdings ou filiales)
Si la société est contrôlée par une personne ou entité, il convient de distinguer deux cas (sur cette distinction voir les déclarations du député Patricia Mirallès lors des débats parlementaires notamment sur l’amendement n° 2255 qui est à l’origine de la structure du texte actuel).
Soit la société contrôlée contrôle elle-même une ou plusieurs sociétés (les sous-holdings). Dans ce cas, si la personne ou entité qui la contrôle (généralement une société) a désigné un commissaire aux comptes, elle n’est pas tenue de désigner un commissaire aux comptes (L. 821-43, anc. L. 823-2-2, alinéa 2 du code de commerce).
A noter : dans une interprétation dont on ne sait quels sont les fondements légaux, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, par corporatisme peut-être, fait un distinguo rendant un peu plus complexe le régime et certainement pas pensé ni voulu par la Représentation nationale. Si la sous-holding est contrôlée par une personne morale qui a désigné un commissaire aux comptes mais que cette personne morale est contrôlée par une personne physique, alors la sous-holding doit désigner un commissaire aux comptes si elle dépasse les seuils réglementaires (Etude juridique, 2023-21).
Soit la société est contrôlée par une personne ou entité qui est tenue de désigner un commissaire aux comptes car elle a dépassé les seuils de l’ensemble (“petits groupes”), dans ce cas la société contrôlée (la filiale) n’est tenue de désigner un commissaire aux comptes que si elle dépasse elle-même deux des seuils suivants : total du bilan, montant du chiffre d’affaires hors taxe et nombre moyen de salariés au cours de l’exercice (L. 821-43, anc. L. 823-2-2, alinéa 3 du code de commerce).
Seuils à compter du 27 mai 2019 jusqu’au 29 février 2024 (D. 821-172, anc. D. 823-1-1) - Total du bilan : 2 000 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 4 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 25.
Seuils à compter du 1er mars 2024* (D. 821-172) - Total du bilan : 2 500 000 €/Chiffre d’affaires hors taxe : 5 000 000 €/Nombre moyen de salariés : 25. (* s’applique pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, article 4 du décret n° 2024-152).
A noter que la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) estime que cette obligation pour les sociétés contrôlées dépassant un certain seuil de désigner un commissaire aux comptes s’appliquerait même aux sociétés contrôlées par une personne physique dès lors que l’ensemble dépasse les seuils dits des “petits groupes” en tirant argument de l’emploi des termes “personne ou entité”. C’est tordre la volonté du législateur (voir exposé des motifs de l’amendement à l’origine du texte : “permettre aux sociétés qui sont à la tête de petits groupes […] soumettre celles de leurs filiales […]”) et du texte car la CNCC oublie que l’alinéa 3 renvoie à l’alinéa 1 dans son entier et que cette alinéa 1 ne vise pas seulement des “personnes ou entités” qui contrôlent des sociétés mais celles qui sont tenues en plus de désigner un commissaire aux comptes. Or, une personne physique par définition n’est jamais tenue de désigner un commissaire aux comptes.
Par ailleurs, la CNCC estime que les obligations des sociétés contrôlées s’appliquent à une société française contrôlée par une société contrôlante étrangère.
Le commissaire aux comptes peut alors être désigné pour trois exercices seulement (L. 821-46, anc L. 823-3-2).
4. La désignation du commissaire aux comptes suppléant
Il convient de distinguer trois cas : les statuts stipulent expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant, les statuts ne stipulent pas expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant et la société a désigné un commissaire aux comptes qui est une personne physique ou une société unipersonnelle ou les statuts ne stipulent pas expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant et la société a désigné un commissaire aux comptes qui est une société pluripersonnelle.
1° Les statuts stipulent expressément la désignation d’un commissaire aux comtes suppléant
Dès lors que les statuts stipulent expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant, sans faire référence à l’article du code de commerce, la société serait tenue de désigner un commissaire aux comptes suppléant (avis de la commission des études juridiques de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, n° 2017-04, Bulletin n° 186, juin 2017 et avis du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés, n° 2018-014 , du 19 décembre 2018 ).
2° Les statuts ne stipulent pas expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant et la société a désigné un commissaire aux comptes qui est un personne physique ou une société unipersonnelle
La société est alors tenue, en toutes hypothèses, de désigner un commissaire aux comptes suppléant.
3° Les statuts ne stipulent pas expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant et la société a désigné un commissaire aux comptes qui est une société pluripersonnelle
Il faut distinguer deux cas. Soit les statuts stipulent expressément la désignation d’un commissaire aux comptes suppléant, soit les statuts ne le stipulent pas.
Dans le premier cas, la société est tenue de désigner un commissaire aux comptes suppléant, alors que dans le second cas, dès lors que les statuts n’imposent pas de désigner un commissaire aux comptes suppléant, la société n’est pas tenue de désigner un commissaire aux comptes suppléant.
En effet, depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la nomination d’un commissaire aux comptes suppléant pour un commissaire aux comptes « titulaire » n’est plus requise dès lors que le commissaire aux comptes « titulaire » n’est pas une personne physique ou une société unipersonnelle (article L. 821-40, anc. L. 823-1 modifié du code de commerce). Toutefois, un avis de la commission des études juridiques de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes n° 2017-04 du 13 avril 2017 identifie certains cas où la nomination d’un commissaire aux comptes suppléant resterait obligatoire. Parmi ces cas figure le cas d’une clause statutaire le prévoyant.
A noter : lorsqu’une société de commissaires aux comptes pluripersonelle titulaire d’un mandat de commissaire aux comptes principal devient unipersonnelle après sa désignation, la commission juridique de la CNCC estime qu’un commissaire aux comptes suppléant doit être désigné. La durée du mandat est alors celle du commissaire aux comptes titulaire (CNCC, 2022-42, octobre 2023).
Enfin, à noter qu’en cas de démission du commissaire aux comptes (titulaire ou suppléant), quand bien même la société ne serait plus tenue de désigner un commissaire aux comptes, elle devrait désigner un nouveau commissaire aux comptes (titulaire et/ou suppléant) en remplacement du commissaire aux comptes démissionnaire (Cour de cassation, 6 novembre 2012, n° 11-30.648). En revanche, la durée du mandat est celle du commissaire aux comptes démissionnaire qui restait à courir.
A noter : le défaut de désignation d’un commissaire aux comptes est puni, aux termes de l’article L. 821-6 du code de commerce, d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros. Le défaut de désignation n’entraine pas la nullité des décisions collectives (Cour de cassation, 10 février 2021, n° 18-24.302).
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Avocat au barreau de Paris