Les décisions des associés prises par consentement unanime dans un acte (1854, L. 222-5, L. 223-27, L. 227-9)

Question : quelles sont les décisions des associés pouvant être prises par un acte exprimant leur consentement unanime (acte sous signature privée, acte authentique) ?

Réponse : tout dépend de la forme de la société.

Pour résumer, cette faculté de prendre des décisions par acte est de droit pour les sociétés civiles et elle est permise si elle est expressément prévue dans les statuts pour les sociétés en commandite simples, les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et les sociétés par actions simplifiées (SAS). Cette faculté est en revanche exclue pour les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés anonymes (SA) (et par extension les sociétés européennes) et les sociétés en commandite par actions.

L’assemblée redevient de droit, pour les sociétés en commandite, si elle est demandée par certaines personnes et, pour les sociétés à responsabilité limitée, pour les décisions des associés relatives à l’approbation des comptes. Elle peut également l’être selon les conditions particulières qui seraient prévues dans les statuts des sociétés civiles, des sociétés en commandite simples, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés par actions simplifiées.

L’acte peut être un acte sous signature privée (en ce compris un acte d’avocat) ou un acte authentique sauf stipulation particulière prévue dans les statuts.

A noter : certaines dispositions légales ou principe du droit français exigent parfois qu’une personne soit entendue avant toute prise de décision. il conviendra d’organiser cette “audience” (entretien) pour ne pas risquer de contestation quant à la prise de décision. il en va ainsi par exemple pour les membres du comité social et économique (L. 2312-77 du code du travail, voir également notre article sur le sujet) ou en cas de révocation d’un dirigeant (selon le principe de loyauté imposant le respect du “contradictoire”, voir notamment Cour de cassation, 23 octobre 2019, n° 17-27659).

A noter : voir également la voie de la comparution spontanée de l’unanimité des associés (Assemblée nationale, réponse du Garde des sceaux du 17 mai 2016 à la question n° 55206).

Société civile (1854)

Le code civil prévoit que pour les sociétés civiles, les décisions peuvent résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte. L’article ne précise pas que cette faculté doit être prévue dans les statuts ou que pour certaines décisions, une assemblée générale est requise. Donc, à défaut de stipulation statutaire contraire, cette faculté est permise et générale. Les modalités relatives à l’acte (notamment celui-ci peut être un acte sous signature privée ou un acte authentique) sont précisées par l’article 46 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 relatif à l'application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil.

Société en nom collectif (L. 221-6)

Cette faculté n’est pas prévue, seule les décisions en assemblée ou, si le statuts le prévoient, par consultation écrite, sont prévues.

Société en participation (1871-1)

Sauf organisation différente prévue dans le contrat, si la société en participation a un caractère civil, ce sont les règles prévues pour les sociétés civiles qui s’appliquent, et si elle a un caractère commercial, ce sont les règles prévues pour les sociétés en nom collectif qui s’appliquent (voir ci-dessus pour l’un et l’autre cas).

Société en commandite simple (L. 222-5)

Les décisions des associés peuvent résulter d’un acte si cela est stipulé dans les statuts et sous réserve qu’une assemblée ne soit pas demandée par un commandité ou par le quart en nombre et en capital des commanditaires.

Société à responsabilité limitée (L. 223-27)

Les décisions des associés peuvent résulter d’un acte si cela est stipulé dans les statuts, à l’exception, en tout état de cause, des décisions approuvant le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels.

A noter : lorsque la société ne comporte qu’un seul associé, l’article L. 223-1 du code de commerce dispose que “l’associé unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée des associés par les dispositions du présent chapitre”. L’article L. 223-31 du code de commerce dispose que “Les trois premiers alinéas de l'article L. 223-26 et les articles L. 223-27 à L. 223-30 ne sont pas applicables aux sociétés ne comprenant qu'un seul associé […]. Ses décisions, prises au lieu et place de l'assemblée, sont répertoriées dans un registre.”. On peut donc raisonnablement en conclure que l’associé unique pourrait prendre des décisions par acte sous signature privée alors que ce mode de consultation ne serait pas stipulé dans les statuts (voir en ce sens en matière de dissolution, réponse Ruais, Assemblée nationale, n° 24966, Journal officiel, 15 juillet 1972, p. 3219). Toutefois, le gérant devra en être informé pour que ces décisions puissent être opposées à la société. Si la société dispose d’un comité social et économique, il conviendrait de revenir à une consultation par réunion.

A noter : sur l’impossibilité en l’état de la réglementation de prendre les décisions de la masse des porteurs d’obligations par acte sous signature privée ou authentique, voir notre article.

Société anonyme et société en commandite par actions

Cette faculté n’est pas prévue.

Société par actions simplifiée (L. 227-9)

Les statuts déterminent les formes des décisions des associés qui peuvent donc prendre la forme d’un acte si cela est expressément stipulé.

A noter : au même titre que pour les SARL, lorsque la société ne comporte qu’un seul associé, l’article L. 227-1 du code de commerce dispose que “L'associé unique exerce les pouvoirs dévolus aux associés lorsque le présent chapitre prévoit une prise de décision collective.” On peut donc raisonnablement en conclure que l’associé unique pourrait prendre des décisions par acte sous signature privée alors que ce mode de consultation ne serait pas stipulé dans les statuts (à confirmer). Toutefois, le président (ainsi que le commissaire aux comptes) devra en être informé pour que ces décisions puissent être opposées à la société. Si la société dispose d’un comité social et économique, il conviendrait de revenir à une consultation par réunion.

A noter : sur l’impossibilité en l’état de la réglementation de prendre les décisions de la masse des porteurs d’obligations ou de valeurs mobilières donnant accès au capital par acte sous signature privée ou authentique, voir notre article.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris