La fin étonnante des minibons en faveur du financement participatif (CMF, L. 223-6, L. 511-6, O. 2021-1735)

Le régime des minibons (bons de caisse émis non directement mais par l’intermédiaire d’un prestataire ou conseiller en investissements participatifs) qui avaient été introduits en 2016 (L. 223-6) a été abrogé. Cette abrogation serait justifiée par le fait que les personnes morales puissent désormais octroyer des prêts à des fins de financement participatif (nouvel article L. 511-6, 7° du code monétaire et financier modifié par l’ordonnance 2021-1735, voir également sur cette ordonnance le rapport au Président de la République).

Étonnante justification ! Alors que l’article L.511-6, 7° sur le financement participatif dans sa nouvelle rédaction vise les souscripteurs, l’ancien article L. 236-6 sur les minibons visaient les émetteurs. Or, les émetteurs personnes morales pouvaient déjà recevoir des prêts dans le cadre d’un financement participatif (L. 548-1, 1°  dans sa rédaction de 2014). Désormais donc, les émetteurs pourront, non plus émettre des bons de caisse via une plateforme de financement participatif, mais recevoir des prêts via un prestataire de services de financement participatif ou un intermédiaire en financement participatif (L. 511-6, 7° dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2021-375).

Quelle différence au final ? Tout d’abord, le prêt, dans le cadre d’un financement participatif, peut être effectué auprès de toute personne morale (et non seulement des SAS et SARL pour les minibons) ce qui est plutôt une ouverture. De même, le taux d’intérêt, contrairement aux minibons (L.223-10), peut être supérieur au taux usuraire dès lors que l’emprunteur, personne physique, agit pour ses besoins professionnels ou, personne morale, se livre à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale. Alors que pour les minibons, la périodicité de remboursement des échéances ne pouvait être supérieure à un trimestre, avec des échéances constantes (D. 223-3), aucune disposition particulière n’est prévue pour les financements participatifs.

En revanche, dans le cadre d’un financement participatif, la personne prêteuse ne peut prêter que pour un projet seulement ce qui n’était pas le cas des minibons. Les conditions du prêt, dans un financement participatif, sont également très encadrées (D. 548-1) quant au montant maximum du prêt ou des encours, par prêteur, pour un même projet (2 000 euros), la durée (7 ans), le montant total maximum par projet (1 million d’euros porté à 5 millions d’euros si un prestataire de services de financement participatif intervient) contrairement aux minibons, qui n’étaient astreints à aucune de ces conditions, dont le montant total, au demeurant, pouvait atteindre 8 millions d’euros sur une période de 12 mois (D. 223-2).

Rappelons que, quelle que soit sa nature, une entreprise commerciale peut continuer à “émettre” des titres de créances négociables (L. 511-7, 4), des prêts participatifs à ne pas confondre avec les titres participatifs ou les financements participatifs (L. 313-13) et, pour celle qui a établi le bilan de son premier exercice commercial, des bons de caisse en-dehors de toute plateforme d’intermédiation (L. 223-2).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris