Le droit préférentiel de souscription est-il un droit d'ordre public ? (C. com., L. 225-132)
Question : le droit des associés de sociétés par actions (SA, SAS, etc.) de souscrire de manière préférentielle à une augmentation de capital est-il d’ordre public ?
Réponse : il semble que oui.
Explications : l’article L. 225-132 du code de commerce dispose que “Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital (alinéa 1). Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. (alinéa 2)”.
A noter : sur l’origine du texte, voir le décret du 8 août 1935 (Journal officiel, 9 août 1935, p. 8685) pris en application de la loi du 8 juin 1935 tendant à accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels pour assurer la défense du franc).
Or, l'article L. 225-149-3 du même code dispose que “Sont nulles les décisions prises en violation […] du deuxième alinéa de l'article L. 225-132.”.
A noter : cette nullité est issue d’un amendement présenté par le Gouvernement lors du débat de ce qui deviendra l’article 20 de la n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, lequel souhaitait que la nullité soit “impérative” lorsque “les principes fondamentaux d’une augmentation de capital – à savoir […] les règles […] protectrices des actionnaires sur le droit préférentiel de souscription – n’ont pas été respectés”.
De ce fait, le droit préférentiel de souscription, en-dehors des cas prévus par la loi qui autorisent sa suppression ou sa renonciation a posteriori, serait d’ordre public.
A noter : cette interprétation serait conforme à l’article 29 de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil du 13 décembre 1976 tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital. Cette directive indiquait en effet que “Lors de toute augmentation du capital souscrit par apports en numéraire, les actions doivent être offertes par préférence aux actionnaires proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions” et que ce “droit préférentiel ne peut être limité, ni supprimé par les statuts ou l'acte constitutif”.
Par conséquent, un actionnaire ne pourrait y renoncer par avance selon le principe qu’on ne peut renoncer à un droit d’ordre public avant sa “naissance” c’est-à-dire avant que celui-ci soit entré dans le patrimoine de son titulaire (Cour de cassation, 27 octobre 1975, n° 74-11.656).
A noter que certains s’interrogent sur le caractère d’ordre public de ce droit, du fait de la suppression en 2004 à l’alinéa 2 de l’article L. 225-132, par l’article 51 de l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, des termes “Toute clause contraire est réputée non écrite” qui figuraient précédemment.
A noter : un auteur faisait remarquer que la suppression concernait l’alinéa 2 (visant le droit “proportionnel”) et non l’alinéa 1 de l’article L. 225-132 qui vise le “droit” en lui-même.
Cette interrogation pourrait également être soulevée du fait de la suppression en 2003 de la sanction pénale qui pesait sur les dirigeants (ancien article L. 242-18, 1°).
A noter : le droit préférentiel de souscription pourrait être supprimé dans les SAS par une minorité (cour d’appel de Paris, 4 avril 2023, n° 22/05320 allant contre une décision de la Cour de cassation du 19 janvier 2022, n° 19- 12.696).
Avocat au barreau de Paris