Cession de gré à gré dans les liquidations judiciaires : les conditions de la vente (C. com., L. 642-19).
Aux termes de l’article L. 642-19 du code de commerce, “Le juge-commissaire […] autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu'elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci.”.
Même si cette solution a été critiquée, une telle vente est considérée comme ayant été faite par autorité de justice (Cour de cassation, 4 mai 2017, n° 15-27.899 ; 23 mars 2022, n° 20-19.174). Or, aux termes de l’article 1649 du code civil, l’action contre les vices rédhibitoires, c’est-à-dire contre les vices cachés (et celle-ci seulement) ne peut être intentée par l’acheteur. De même, le droit de préemption légale de l’article L. 145-46-1 du code de commerce n’est pas applicable (Cour de cassation, 23 mars 2022, précité).
A noter : la solution est en effet critiquable car l’acquéreur se voit ainsi retirer une garantie légale, comme en matière de vente aux enchères, alors que d’autre sujétions lui sont imposées, contrairement à la vente aux enchères, comme la purge des inscriptions (L. 143-1 et s., R. 642-38). Il conviendra donc de faire attention, dans l’acte de cession, aux modalités de purge des droits des créanciers si des inscriptions ont été faites ainsi que des conditions de règlement du prix.
En revanche, le vendeur en liquidation judiciaire doit, sauf mention de l'ordonnance du juge-commissaire le soustrayant à l'exécution de ces obligations, les autres garanties parmi lesquelles l’obligation d’information précontractuelle (1112-1), de délivrance (1604 et s.) et la garantie d’éviction (équivalente à la clause de non-concurrence, 1626 et. s.). Ne vous laissez donc pas impressionner par les stipulations que l’on rencontre parfois dans les projets d’acte de cession comme “les garanties prévues par le droit commun de la vente ne sont pas applicables”. Ces mentions générales ne sont pas, à l’exception de la garantie des vices cachés, régulières si de telles exclusions ne sont pas prévues par l’ordonnance.
A noter : l’obligation de délivrance étant une obligation essentielle (1170), le juge-commissaire ne pourrait soustraire le vendeur de cette obligation. Il nous semble qu’il en irait de même de la garantie d’éviction du fait personnel du vendeur (cela reviendrait à anéantir obligation de délivrance).
Les contrats quant à eux ne sont pas transférés de plein droit contrairement aux dispositions de l’article L. 642-7 du code de commerce, sauf accord du cocontractant cédé (Cour de Cassation, 13 mai 2003, n° 00-13.397). En effet, une cession de gré à gré n’est pas un plan de cession.
Si la vente est parfaite au jour de l’ordonnance du juge-commissaire, sous réserve qu’elle acquière autorité de chose jugée et d’absence de remise en cause du jugement de liquidation judiciaire, le transfert de propriété est reporté soit à la date de signature des actes (Cour de cassation, 29 octobre 2002, n° 98-19.188), soit à la date indiquée dans l’ordonnance (Cour de cassation, 5 janvier 2010, n° 08-12.156).
Avocat au barreau de Paris