Pacte d'actionnaires ou d'associés : droit de préemption, de préférence, de première offre, de premier refus, de priorité, de substitution, de suite : quelles différences, quelles conséquences ?

Les pactes d’actionnaires ou d’associés stipulent le plus souvent des clauses de préemption, de préférence, de première offre, de premier refus, de priorité et, plus rarement, de substitution ou de suite. Le présent article a pour objet de différencier ces différents droits pour les distinguer et comprendre leurs avantages et inconvénients respectifs ainsi que leur régime juridique. Ces droits ont quasiment tous le même objet (sauf le droit de suite) : faire bénéficier les parties au pacte du droit d’acquérir en priorité les titres dont le transfert est projeté par une autre partie.

Généralement ces droits se distinguent de deux manières : la date à laquelle ils sont exercés (avant ou après l’offre d’un candidat acquéreur) et les conditions selon lesquelles ils s’exercent notamment de prix.

DROIT DE PREEMPTION

C’est un droit qui permet à son titulaire d'acquérir les titres en priorité lorsque l’associé manifeste sa volonté de les transférer à autre associé ou un tiers. Ce droit s’exerce généralement après qu'une offre d'achat a été faite et (sauf fraude) aux mêmes conditions que celles proposées par l’associé ou le tiers, tout du moins aux mêmes conditions de prix ou de valeur. Il est toutefois possible de prévoir des mécanismes de contrôle de la valeur par un expert indépendant (pour éviter les abus ou fraude). Ce droit s’exerce avant la cession envisagée à l’associé initial ou aux tiers. Ce droit entraînant une obligation de vendre, il peut alors prendre la forme d’une promesse unilatérale de vente pour lui donner plus d’efficacité (le prix étant déterminé ou déterminable). La non-exécution du droit de préemption peut donc aboutir à une cession forcée au titulaire du droit par voie de justice.

DROIT DE PREFERENCE OU DE PREMIERE OFFRE

Le droit de préférence accorde une priorité pour acquérir les titres si l’associé décide de les transférer. Il oblige ainsi le propriétaire des titres à les proposer en priorité aux autres associés pour qu’ils présentent une offre avant d’envisager de les transférer à un tiers (ou un autre associé).

A noter : on retrouve ce mécanisme contractuel dans le droit légal des salariés à présenter une offre en cas de changement de contrôle (L 23-10-1).

La différence avec le droit de préemption tient au fait généralement (mais pas toujours) que le droit de préférence intervient avant toute proposition d’un tiers (ou d’un autre associé) et que le débiteur ou le titulaire du droit (voire les deux) propose alors ses propres conditions, le transfert ne se faisant donc pas aux mêmes conditions que celles qui auraient été proposées par un candidat acquéreur. On distingue la différence fondamentale : le transfert ne se fait pas à un prix de marché (valeur donnée par un tiers) mais au prix souhaité par le débiteur ou le titulaire du droit. Par ailleurs, en cas de pluralité de titulaires du droit et si ces derniers ont le droit de présenter une offre au débiteur du droit, chacun pouvant présenter une offre, le droit met ainsi en concurrence les titulaires du droit (alors que pour le droit de préemption, chacun des titulaires préempte aux mêmes conditions).

Dans les deux cas, il s’agit donc d’un mécanisme de pollicitation (offre) nécessitant l’acceptation de celui qui la reçoit pour former la vente (certains pactes prévoyant la possibilité d’un refus à certaines conditions permettant alors de transférer les titres à une autre personne que le titulaire du droit, contrairement au droit de préemption). Le prix n’étant pas déterminé ou déterminable (sauf si le contrat prévoit une méthode de détermination) puisque l’accord des parties est encore nécessaire sur les conditions de la vente, la différence fondamentale avec le droit de préemption est qu’il n’entraîne aucune obligation de vendre pour le propriétaire des titres (il s’agit d’une priorité d’offre des autres associés). Sa non-exécution se résoudra alors en dommages et intérêts. Certains contrats prévoient toutefois que l’offre une fois faite est irrévocable (ce sera alors à ce moment qu’il y aura un engagement irrévocable, contrairement au droit de préemption pour lequel l’offre est irrévocable dès la signature du pacte).

DROIT DE PREMIER REFUS (FIRST REFUSAL) OU DE PRIORITE

Il peut aussi bien correspondre, selon sa rédaction, au droit de préemption ou de préférence selon que les conditions de transfert se font avant ou après l’offre d’un tiers.

DROIT DE SUBSTITUTION

Le droit de substitution se rapproche du droit de préemption mais à la différence de ce dernier, il ne peut se faire qu’aux mêmes conditions que celles proposées par l’associé initial ou le tiers qui avait fait l’offre. Il n’offre aucun possibilité de remise en cause du prix ou de la valeur des titres (si une telle remise en cause était prévue par le droit de préemption, d qui n’est pas toujours le cas).

DROIT VOISINS

Droit de repentir

Le droit de repentir permet au débiteur ou au titulaire du droit de renoncer à la vente ou à l’acquisition si les conditions de prix déterminées par un tiers (généralement un expert) remettaient en cause ses prévisions contractuelles (le prix attendu).

Droit de suite

Le droit de suite confère à son titulaire (le vendeur initial des titres) un droit à une part de la plus-value si le ou les associés qui ont acquis ses titres (dans le cadre d’un droit de préemption, de priorité, etc. ou de l’exercice d’une promesse) revend les titres à un prix supérieur à celui payé lors de l’acquisition initiale.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris