Actions de préférence dans les SAS : attention aux conditons de modification des droits des porteurs (L. 228-11)
Un arrêt récent de la cour d’appel de Lyon est venu rappeler que les conditions de modification des droits des porteurs d’actions de préférence, dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), étaient très souples, ce qui peut être au désavantage de ces porteurs.
Explications : les sociétés par actions simplifiées (SAS) peuvent émettre des actions de préférence conformément aux dispositions de l’article L. 228-11 du code de commerce. On aurait pu penser, à l’instar des obligations ou des valeurs mobilières donnant accès au capital (BSA, OC, OCA/ORA, etc.) que toute modification du “contrat d’émission” (il n’y a pas à proprement parler de contrat d’émission pour les actions de préférence même si l’article L. 228-12-1 y fait référence) était soumise à l’autorisation préalable de ses porteurs réunis en une masse (mais les porteurs d’actions de préférence ne sont pas réunis dans une masse qui a la personnalité morale) ou, tout du moins, d’une majorité qualifiée de ses porteurs.
A noter : en effet, conformément aux dispositions de l’article L. 228-65 du code de commerce, pour les obligations, ou L. 228-103 du code de commerce, pour les valeurs mobilières donnant accès au capital, toute proposition tendant à la modification du contrat d’émission doit être soumise à la masse des porteurs.
Il existe bien l’article L. 225-99, alinéa 2 du code de commerce relatif aux sociétés anonymes aux termes duquel “La décision d'une assemblée générale de modifier les droits relatifs à une catégorie d'actions n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée spéciale des actionnaires de cette catégorie.”.
Mais, l’article L. 227-1 du code de commerce dispose expressément que l’article L. 225-99 n’est pas applicable aux SAS.
A noter : il doit s’agir vraisemblablement d’une inadvertance du législateur. On retrouve la même problématique s’agissant des droits de vote attachés aux actions de la SAS. Le principe “un droit de vote, une action” est en effet mentionné à l’article L. 225-122 du code de commerce. Or, cet article relatif aux sociétés anonymes est expressément exclu par l’article L. 227-1 précité. A défaut d’être précisé dans les statuts de la SAS, on pourrait donc s’interroger sur le nombre de droits de vote attachés à une action dans la SAS puisqu’il n’existe pas dans les principes généraux (chapitre Ier du titre IX du code civil ou textes généraux sur les valeurs mobilières), de principe de proportionnalité.
A noter : l’article L. 228-17 renvoie à l’article L. 225-99 s’agissant des opérations de fusion ou de scission.
A vrai dire, comme nous l’avons indiqué, il n’existe pas de masse de porteurs d’actions de préférence contrairement aux porteurs de valeurs mobilières précitées.
Un arrêt de la cour d’appel de Lyon est donc venu rappeler qu’aucune disposition légale particulière n’impose , en cas de changement des droits attachés aux actions de préférence, la consultation individuelle (il n’y avait pas d’augmentation des engagements des porteurs) ou collective des porteurs (cour d’appel de Lyon, 17 février 2022, arrêt 18/07114)
Donc, à défaut de stipulation statutaire expresse contraire ou l’aménageant, les actionnaires de la SAS, statuant à la majorité prévue dans les statuts (généralement la majorité prévue pour modifier les statuts à défaut de stipulation expresse concernant les actions de préférence) peuvent modifier les droits des porteurs des actions de préférence (sous la réserve habituelle de l’abus de majorité).
A noter : à défaut de stipulation expresse des statuts de la SAS fixant les conditions de majorité, une modification statutaire dans les SAS doit être décidée à l’unanimité des associés de la société (articles 1836 et 1834 du code civil), c’est-à-dire la totalité des associés et non pas seulement des associés présents ou représentés (Cour de cassation, 5 janvier 2022, n° 20-17.428).
Rappelons que la consultation des assemblées spéciales des titulaires d’action de préférence de la société absorbée (ou scindée) est requise en cas de fusion ou de scission (voir notre article).
Avocat au barreau de Paris