Les décisions de la masse peuvent-elles être prises à l'unanimité par acte sous signature privée ou authentique (C. com., L. 228-46, L. 228-103, L. 228-46-1) ?
Question pratique : les décisions de la masse des porteurs d’obligations ou de valeurs mobilières donnant accès au capital peuvent-elles résulter du consentement de tous les porteurs exprimé dans un acte (acte sous signature privée ou acte authentique) ?
Réponse : non, pas en l’état de la réglementation, seule une consultation écrite (par voie électronique le cas échéant) pouvant être organisée en lieu et place d’une assemblée générale, pour autant que cette faculté soit prévue dans le contrat d’émission.
Explication : on sait que les porteurs d’obligations ou de valeurs mobilières donnant accès au capital sont réunis en une masse jouissant de la personnalité civile (L. 228-46 et L. 228-103 du code de commerce).
A noter : voir toutefois les dispositions du I de l’article L. 213-6-3 du code monétaire et financier aux termes duquel le contrat d'émission des obligations dont la valeur nominale à l'émission est au moins égale à un montant fixé par décret (voir R. 213-16-1 : 100 000 euros) peut prévoir que tout ou partie des dispositions législatives et réglementaires relatives à la masse des obligataires, aux représentants de la masse et aux assemblées générales d'obligataires ne leur sont pas applicables. Dans cette hypothèse, le contrat d'émission des obligations organise la représentation des obligataires et prévoit les règles de quorum et de majorité applicables à leurs décisions.
Avant la réforme de 2017, les décisions de la masse étaient prises uniquement en assemblée générale. Depuis 2017, les décisions de la masse des obligataires peuvent aussi être prises par consultation écrite, y compris par voie électronique, si et seulement si le contrat d’émission le prévoit (L. 228-46-1 ).
A noter : à défaut de renvoi de l’article L. 228-103, cette faculté ne s’appliquerait pas à la masse des porteurs de valeur mobilière donnant accès au capital sauf si le titre primaire de ces valeurs est une obligation (OCA, ORA, OEA, OBSA). En effet, on sait que dans ce cas, les règles relatives aux émissions obligataires (à l’exception des dispositions de l’article L. 213-6-3 expressément écartées par son paragraphe VI) s’appliquent (avant leur remboursement, conversion ou échange) lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec les règles relatives aux valeurs mobilières donnant accès au capital (L. 228-103, dernier alinéa et Cour de cassation, 13 juin 1995, n° 94-21.003 et n° 94-21.436).
Il n’existe donc pas de dispositions légales ou réglementaires permettant de consulter la masse des obligataires ou celles des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital par acte sous signature privée (ou authentique).
Aucune disposition légale ou réglementaire ne détaille les conditions de prises des décisions par consultation écrite (il est vrai que les règles en la matière renvoient généralement aux règles des sociétés anonymes qui ne connaissent pas la procédure de consultation écrite). On pourra alors s’inspirer des règles applicables en matière de société à responsabilité limitée (R. 223-22, R. 223-24) ou celles qui ont été prévues dans le cadre des mesures concernant la Covid-19 (voir notamment l’article 4 du décret n° 2020-1614 du 18 décembre 2020). Il conviendra donc d’envoyer un avis de consultation écrite accompagné des projets de décisions (ou “résolutions” comme le mentionne les texte même si nous réservons ce terme aux assemblées des SA ou de la masse) et des documents nécessaires à l’information des porteurs de la masse. Les porteurs auront alors un certain délai pour émettre leur vote par écrit (un formulaire de vote pourra être annexé à l’avis de consultation pour faciliter l’émission des votes). Une fois les votes écrits reçus (dans le délai, la date d’envoi étant celle prise en compte et non la date de réception), l’auteur de la consultation en dresse alors procès-verbal auquel est annexé la réponse de chacun des porteurs ayant émis un vote dans les délais.
Une consultation électronique est également possible. En l’absence de disposition réglementaire particulière sur les modalités de cette consultation électronique, on pourra là encore s’inspirer de certains textes, notamment les textes de la SARL sur les échanges électroniques (voir notre article sur cette question).
On comprendra donc que le succès de la consultation, par voie écrite ou électronique, succédané du consentement exprimé dans une acte, dépendra de la qualité de la rédaction de la clause dans le contrat d’émission et les statuts de l’émetteur.
A noter : l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) réitère son avis selon lequel les règles de majorité et de quorum des décisions des porteurs de la masse de valeurs mobilières donnant accès au capital sont celles des assemblées générales extraordinaires de la société anonyme (SA) même pour les sociétés par actions simplifiées (SAS) quand bien même les règles de quorum et de majorité seraient différentes dans les statuts (Ansa, comité juridique 22-024, 1er juin 2022 ; comité juridique 13-038, 3 juillet 2013). Sur les règles de quorum et de majorité des masses, voir notre article.
Avocat au barreau de Paris