Augmentation de capital de sociétés par actions : le compte spécial "augmentation de capital" est-il obligatoire ? (C. com., L. 225-5, L. 225-144, R. 225-129, R. 22-10-6)
Question d’un client : un compte spécial augmentation de capital doit-il être ouvert pour le dépôt des fonds lors d’une augmentation de capital en numéraire d’une société par actions ?
Réponse : Oui.
Explication : on sait que lors de la constitution d’une société par actions, les fonds doivent être déposés auprès de la Caisse des dépôts et consignations, chez un notaire, auprès d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’investissement (établi en France), de certaines personnes morales particulières établies ou non établies en France (administrant ou conservant des instruments financiers, une institution de retraite professionnelle collective), de l’Etat (Trésor public), de la Banque de France, de La Poste (L. 225-5, R. 22-10-6). Ces dispositions sont applicables, sur renvoi à ces textes, en cas d’augmentation de capital en numéraire (L. 225-144, R. 225-129).
Quelles sont les raisons qui amènent à ouvrir, lors de la constitution d’une société, un compte dit “spécial” (ayant son propre numéro de compte) plutôt que de verser les sommes sur le compte courant de la société ?
Le compte spécial découle de l’indisponibilité des fonds. Mais, alors que pour les sociétés à repsonsabilité limitée (SARL), il est expressément prévu que les fonds sont indisponibles jusqu’à l’immatriculation de la société (L. 223-8), rien de tel pour les sociétés par actions. Ce serait en fait la jurisprudence qui reconnaitrait le caractère indisponible des fonds (Cour de cassation, 19 mai 1998, n° 95-19.098). Or, cette jurisprudence concerne une SARL et non une société par actions. Elle ne peut donc justifier, selon nous, le caractère indisponible des fonds des souscriptions lors de la constitution d’une société par actions. C’est en réalité, certainement sur le fondement de l’article R. 22-10-2 (anciennement R. 225-11 sur renvoi de R. 225-13) que résulte cette indisponibilité.
Retrouve-t-on la même indisponibilité des fonds en cas d’augmentation de capital ? Le même mécanisme que lors de la constitution d’une société est prévu, aussi bien pour la SARL (L. 223-32) que pour les sociétés par actions (L. 225-144), où il est expressivement prévu, dans les deux cas, que le retrait des fonds ne peut intervenir qu’après l’établissement du certificat du dépositaire. Implicitement, cela signifie donc que les fonds sont en quelque sorte déposés en “séquestre” sur un compte dans l’attente de la finalisation de l’augmentation du capital (le certificat du dépositaire actant de la réalisation de cette augmentation, voir notre article).
Un compte spécial “augmentation de capital” devrait donc être ouvert, différent du compte courant de la société qui procède à l’augmentation de capital. A défaut, outre les éventuelles sanctions prévues par le code de commerce (L. 225-150, si cet article peut s’appliquer au défaut d’ouverture d’un compte spécial non expressément prévu par la loi), il peut exister des risques de sanction pénale (voir un cas d’abus de confiance : Cour de cassation, 7 mai 1969, n° 68-92.699).
Avocat au barreau de Paris